Печать
Категория: La France Orthodoxe
Просмотров: 4617

Persécuté pour la justice …


Lorsque nous sommes nous-mêmes plongés dans un tel gouffre d'insolubles difficultés et que, nous souvenant du glorieux passé de l'Église Russe Hors-Frontières, nous voyons dans quelle triste situation nous nous trouvons aujourd'hui, il est permis de se demander s'il est judicieux de s'occuper des désagréments pouvant surgir dans d'autres Églises. Une réponse « humaine » serait plutôt de dire non, mais si l'on aborde la question d'un point de vue chrétien, il convient alors non seulement de dire que cela est permis, mais qu'il s'agit là d'une obligation absolue car, en effet, n'est-il pas dit : « si un membre souffre, tout le corps souffre avec lui ». Ne sommes-nous pas tous issus d'un même arbre orthodoxe ? Toutefois, notre parenté se manifeste tout spécialement avec l'Église Orthodoxe Serbe et le peuple serbe orthodoxe.

Du temps de sa splendeur, la Russie a toujours été comme un grand frère par rapport à tous les peuples slaves, et particulièrement orthodoxes, qui menaient une vie paisible sous la protection des Tsars russes, ce qui a pu tout spécialement se vérifier lors du dernier siècle de l'existence de la Russie historique. .

Dans les années vingt du XIX-e siècle, la Russie avait pris une part décisive à la libération de la Grèce, et dans la seconde moitié du même siècle, toujours grâce à l'abnégation de la Russie, il a été donné d'assister à un véritable processus de libération en chaîne des peuples balkaniques slaves qui croupissaient sous le joug turc. L'exploit des héroïques soldats russes lors de la libération de la Bulgarie est largement connu, mais la Serbie, le Monténégro, la Roumanie, la Géorgie, la Bosnie, la Moldavie ont bénéficié d'une sollicitude fraternelle et désintéressée identique.

Les familles aristocratiques serbes, notamment celles qui étaient appelées à régner, recevaient en règle générale leur éducation en Russie, tandis que les plus éminents évêques serbes étaient diplômés des académies religieuses russes. Lorsqu'en juillet 1914 l'Autriche-Hongrie déclara la guerre à la Serbie, l'Empereur de Russie n'hésita pas un instant pour prendre fermement la défense de son frère orthodoxe. Sa conscience chrétienne et sa noblesse d'âme ne pouvaient permettre à notre Saint Tsar-Martyr d'agir autrement. Qui pouvait imaginer que cette noblesse de la Russie allait être indirectement la cause de sa ruine …

Mais il convient tout particulièrement de souligner que la Serbie – gloire et honneur lui soient rendus – n'a pas fait montre d'une moindre noblesse à l'égard de sa bienfaitrice, lorsque cette dernière s'est retrouvée dans le malheur. Aucun pays n'a manifesté pareille hospitalité, ni pareille compassion chaleureuse et active aux réfugiés russes et ce, alors que le monde entier s'était détourné de la Russie et que peu d'alliés de la veille se montraient à la hauteur dans la situation nouvelle. Il est même permis de dire que durant deux décennies la Russie a pu ainsi poursuivre son existence en Serbie, ce dont peuvent témoigner tous les émigrés russes qui ont vécu dans ce pays.

Son témoignage d'amour et de fidélité suprême pour la Russie, la Serbie l'a manifesté dans le domaine religieux en autorisant l'installation libre de l'Église Hors-Frontières sur son territoire canonique, en lui offrant non seulement une entière liberté pour conduire la vie ecclésiale des réfugiés russes, mais encore en mettant généreusement à sa disposition les bâtiments de l'ancien Patriarcat Serbe à Sremsky-Karlovtsy, d'où elle put diriger la vie spirituelle de l'Émigration Blanche et où il lui a été donné d'écrire les plus belles pages de son histoire.

Les paroles de Sa Sainteté le Patriarche Varnava, prononcées à l'occasion des troubles survenus à la fin des années vingt au sein de l'EORHF, peuvent témoigner du respect et de l'autorité dont jouissait l'Église Hors-Frontières : « Parmi vous se trouve un grand hiérarque, l'Éminentissime Métropolite Antoine, qui est un ornement de l'Église Orthodoxe Universelle. C'est un esprit élevé, semblable aux tous premiers hiérarques de l'Église. En lui est la vérité ecclésiale ».

Il en fut ainsi jusqu'à la 2° Guerre Mondiale et la venue au pouvoir des communistes.

Dans leur majorité les réfugiés russes furent à nouveau contraints d'émigrer, toutefois parmi le peuple orthodoxe et tout spécialement le clergé, se sont conservés les mêmes sentiments chaleureux à l'égard des Russes. Le meilleur témoignage pourrait en être le fait que lorsque des évêques serbes venaient à Chambésy pour des réunions inter-orthodoxes, ils tenaient avant tout à rendre visite à notre Archevêque Antony de Genève, comme à un frère aîné et un ami sincère du peuple serbe, et immanquablement, à l'issue des travaux, ils venaient lui rendre compte des décisions prises. Nous savions que tant qu'à la tête de l'Église Serbe se trouveraient ces évêques de vieille trempe, que des liens d'amitié fraternelle unissaient aux évêques Hors-Frontières, toutes les tentatives hostiles des évêques soviétiques resteraient vaines.

Durant ces années, l'âme de l'Église Serbe était le Saint Archimandrite Justin /Popovic/ récemment glorifié, pasteur et théologien éminent, qui, dans une conférence tenue à l'occasion du repos de Sa Béatitude le Métropolite Antoine /Khrapovitsky/, avait confessé qu'il était dans la situation d'une fourmi à qui l'on demandait de parler d'un aigle planant dans le ciel, tant était grand le respect qu'il lui témoignait.

Mais les années passaient et, à partir du milieu des années 90, de nouveaux troubles qui couvaient en profondeur dans notre Église Hors-Frontières éclatèrent au grand jour durant l'été 2000.

A cette époque des forces hostiles secrètes s'étaient imperceptiblement, mais inexorablement emparées de tous les leviers du pouvoir au sein du Synode et avaient orienté le gouvernail de notre vaisseau ecclésial en direction d'un rapprochement avec le Patriarcat de Moscou. Dans le but de diminuer une opposition prévisible ou une incompréhension face à ce tournant, ils avaient décidé de demander à l'Église Serbe d'être médiatrice entre le Patriarcat de Moscou et nous. Malheureusement l'Église Serbe était alors dans une reconnaissance totale de l'Église soviétique, alors que ses interlocuteurs et amis au sein de l'EORHF n'étaient déjà plus le Métropolite Antoine, le saint Archevêque Jean de Shangaï ou l'Archevêque Antony de Genève, mais essentiellement le principal instigateur de la ruine des fondements de l'Église Hors-Frontières par le biais d'un rapprochement avec le Patriarcat de Moscou, le fameux Mgr Mark d'Allemagne.

De la sorte, l'issue d'une pareille médiation était connue d'avance et ne pouvait en aucun cas se situer dans la tradition de ce qui était du temps de Sa Sainteté le Patriarche Varnava, raison pour laquelle cette décision se heurta à une opposition violente de la part des authentiques fidèles de l'Église Hors-Frontières.

Il faut également avoir à l'esprit qu'au même moment le peuple serbe connaissait une terrible tragédie. Il n'y avait plus de Tsar et il n'y avait plus de véritable Russie historique qui jamais n'auraient laissé cette sœur orthodoxe être la proie de vandales. Le Nouvel Ordre Mondial, un rictus bestial aux lèvres, écrasa la Serbie, montrant là ce qui sans l'ombre d'un doute attendait tous ceux qui oseraient résister à son implantation universelle. Le malheureux vieillard, le patriarche serbe Pavel, animé de la volonté désespérée de réveiller la conscience internationale, faisait tout ce qu'il pouvait, et dans ses vaines démarches a pu commettre des faux-pas, dont il serait toutefois difficile de lui tenir rigueur tant ses aspirations étaient bonnes et généreuses.

Il voyait clairement qu'il n'était pas seulement question de dompter la Serbie, mais qu'il s'agissait d'une véritable croisade contre l'Orthodoxie. Il recherchait sans relâche aide et compassion, mais ne trouvait personne à qui s'adresser. Il y avait bien des individualités, mais aucun État, aucune institution internationale ne pouvaient répondre positivement, car ce qui se déroulait répondait manifestement à leurs plans secrets.

Cette lutte éreintante finit par briser le vieux patriarche qui rendit l'âme à Dieu le 15 novembre 2009. Il convient de souligner que durant toute la durée de l'agression militaire, l'Église de Serbie dans son ensemble se comporta tel un monolithe dans la défense des valeurs historiques du pays et de la mémoire de Saint Savva, l'âme du peuple serbe.

Toutefois, après la défaite de la Serbie, des fissures ne tardèrent pas à apparaître. Une lutte inattendue pour le pouvoir fit notamment son apparition au sein du Synode des Évêques, des voix persistantes s'élevaient demandant la destitution d'un patriarche qui ne se décidait pas à mourir …

La similitude avec ce qu'il nous a été donné de vivre dans l'Église Hors-Frontières quand les « évêques putschistes » n'avaient pas la patience d'attendre la mort de notre Métropolite d'éternelle mémoire Vitaly, saute aux yeux. Et il n'est rien d'étonnant à cela, car dans un cas comme dans l'autre les mêmes forces destructrices étaient en jeu, des forces qui s'employaient à rabaisser l'Église vers le terrestre, la fondre dans ce monde et concilier sa doctrine et son cours avec les règles d'ici-bas. Mais à la différence de ce qui s'est passé dans l'EORHF, les Serbes ont toutefois eu la décence d'attendre que le patriarche décède à l'âge de 96 ans.

L'élection du nouveau Patriarche Irénée en janvier 2010 fit immédiatement souffler un nouvel esprit sur l'Église. Tout comme avec l'avènement de Mgr Lavr ou Hilarion, nous sommes confrontés à une autre Église, même si l'appellation reste la même.

La toute première manifestation de la transformation radicale de l'Église Serbe fut l'affaire qui fit grand bruit de l'évêque Artemy.

La destitution forcée de sa chaire du Kossovo de l'un des évêques serbes les plus en vue, sous un prétexte qui cachait mal le désir de déshonorer l'homme : corruption et machinations financières, avait laissé les milieux orthodoxes abasourdis.

Se pouvait-il qu'un évêque, unanimement reconnu pour être une colonne de la foi, ait pu sombrer de façon aussi peu glorieuse, sombrer sous le coup d'une accusation aussi honteuse ?

Mgr Artemy était né dans le même village que le « Chrysostome serbe », l'Évêque Nicolas /Velimirovic/ et toute sa jeunesse fut imprégnée de la mémoire de cet évêque merveilleux. Puis il fut un des quatre plus proches disciples du père Justin /Popovic/ de sainte mémoire, puis il soutint brillamment un doctorat qui fait date sur Saint Maxime le Confesseur, puis durant une vingtaine d'années il dirigea l'Église au Kossovo et Métochie après avoir reçu ce siège si cher à tout cœur serbe de l'évêque Pavel qui venait d'être élu patriarche en 1990.

Pendant toutes les années de l'agression militaire, Mgr Artemy fut une figure clé des Serbes opprimés sur leur terre natale du Kossovo, et lorsque toute l'administration serbe, à la suite de l'Armée, quitta le Kossovo, Mgr Artemy avec le clergé qui lui était dévoué resta l'ultime défenseur du peuple orthodoxe trahi et oublié de tous. La lutte infatigable de cet évêque inflexible devint une véritable « épine dans le pied » non seulement pour la communauté internationale, mais également pour les autorités serbes qui avaient définitivement abandonné les positions serbes pour accepter le marchandage indigne qui leur était proposé : reconnaître l'indépendance du Kossovo sous autorité albanaise pour obtenir en échange l'espoir d'être admis dans l'Union Européenne.

L'Évêque Artemy fit déborder la coupe de la patience des mondialistes en intentant une action contre la France, l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne devant le Tribunal International des droits de l'homme à Strasbourg et, en dépit d'exhortations répétées, en refusant catégoriquement de retirer sa plainte. Il est aisé de comprendre dans quelle disgrâce a pu tomber cet inflexible évêque, tout comme il est facile de comprendre de quelle affabulation relèvent les accusations portées contre lui.

Dans la mesure où cette affaire dure depuis un an et qu'aucune preuve ne vient confirmer les actes moralement délictueux qui lui sont reprochés, que toutes les sanctions qui le frappent ne sont que des décisions administratives prises sans la moindre enquête ou jugement réel, il en découle tout naturellement que Mgr Artemy ne se soumet pas à ces condamnations et se considère toujours être l'évêque dirigeant du Kossovo.

Le plus triste est de constater que l'Église Serbe, jadis glorieuse, s'est transformée en un instrument docile des forces anti-orthodoxes qui persécutent ceux qui luttent pour la vérité.

Ô combien, dans l'Église Hors-Frontières, cette situation nous est aujourd'hui familière !...

Ainsi, en février 2010, un mois après l'élection du nouveau Patriarche Irénée, l'Évêque Artemy a été démis de la direction de son diocèse, en mai il a été mis à la retraite, le 15 octobre il est interdit de célébration pour faits d'actes soi-disant anticanoniques et pour non obéissance aux décisions synodales.

Une vingtaine de prêtres qui le soutiennent sont défroqués et les moines réduits à l'état laïque(!). Et lorsque le 19 octobre il célèbre une Divine Liturgie qui rassemble plusieurs centaines de personnes, de prêtres et de moines, le Concile de l'Église Serbe prend la décision de le déchoir de la prêtrise. Mgr Artemy, ainsi que le clergé qui le soutient, sont dénoncés comme des « sectaires et des schismatiques » dont les actes liturgiques sont dorénavant réputés privés de grâce. Un refrain bien connu …

Parmi les 34 évêques réunis en Concile, 7 seulement, mais peut-être conviendrait-il de dire 7 tout de même, se sont prononcés contre la sanction et 6 se sont abstenus. Au nombre de ceux qui ont trahi l'inflexible évêque, se trouvent le Métropolite Amphiloque et l'Évêque Athanase /Jevtic/, deux de ses anciens frères spirituels, proches disciples comme lui de Saint Justin /Popovic/. Comment pourront-ils dorénavant en appeler aux préceptes de Saint Savva, comment pourront-ils prononcer les mots sacrés pour tout Serbe de Kossovo pole ?... Ils ne pourront le faire que comme ceux qui ont trahi les préceptes Hors-Frontières et continuent néanmoins à évoquer le Métropolite Antoine et à parler de l'Idée Blanche. De « l'airain qui résonne », et rien de plus.

Mgr Artemy ne se contente pas seulement de défendre les sentiments nationaux et religieux serbes. En digne disciple de Saint Justin, il est un opposant déterminé à l'œcuménisme, hérésie qui ronge l'Église Serbe. On sait que les autorités politiques et religieuses, toujours dans l'espoir d'une intégration dans l'Union Européenne, étudient la possibilité d'inviter le Pape en Serbie. Il est évident que cette initiative ne peut que rassembler encore plus autour de Mgr Artemy tous ceux qui s'opposent au nouveau cours suivi par l'Église, c'est pourquoi il faut préventivement et sans tarder stigmatiser l'évêque rebelle pour sa « désobéissance », son « anticanonicité », ses sacrements « privés de grâce » et par un tel « cordon sanitaire canonique » le couper de son troupeau.

Cependant, que valent toutes les sanctions et les digressions canoniques des évêques serbes avec le patriarche Irénée à leur tête, ce même « patriarche » qui s'est permis d'enfreindre les canons comme nul autre n'avait jamais osé le faire, en considérant possible de se rendre en décembre dernier à la grande synagogue de Belgrade afin de participer avec le rabbin au rite d'allumage de l'hanukkah juive. Et ce ne sont pas là des médisances colportées, mais une information parue sur le site officiel du Patriarcat serbe, où l'on peut voir la photographie de ce patriarche indigne, sourire aux lèvres, allumant le feu et, à sa suite, le président Tadic accomplissant avec un sourire identique le même rite.

Déchoir de la prêtrise un évêque authentique confesseur de la foi, inviter le Pape, allumer l'hanukkah et abandonner le cœur historique de la Serbie aux musulmans – que peuvent bien inventer encore les autorités politico-religieuses de la Serbie nouvelle, afin de mériter d'être admises dans l'Union Européenne ?

Le métropolite Serge, fondateur de l'Église soviétique, pensait « sauver l'Église » par le mensonge. Les traîtres à l'Orthodoxie contemporains recourent constamment au même mensonge, mais ils le dissimulent sous un épais manteau nommé « obéissance ». Chacun voit ce mensonge, mais doit se taire pour continuer à mener une vie paisible. Assurément, le canon principal chez tous ces nouveaux traîtres qui se sont emparés du pouvoir dans des Églises naguère réputées conservatrices, ce n'est pas la défense de la foi, mais l'obéissance, l'obéissance aveugle à leurs trahisons.

Par l'intimidation et l'obéissance ils espèrent étouffer la conscience de tous ceux qui veulent rester fidèles à l'Orthodoxie. Mais tant qu'il y aura encore des hommes qui, bien que persécutés pour la vérité, comme l'Évêque Artemy, refuseront néanmoins d'abdiquer, nous n'avons aucune raison de perdre espoir.

 

Protodiacre Germain Ivanoff-Trinadtzaty