SERMON du 4-e Dimanche après Pâques

Dimanche du Paralytique

 


Matines : Luc XXIV, 1-12
Litutgie : Actes IX, 32-42 ; Jean V, 1-15


CHRIST EST RESSUSCITÉ !
Bien-aimés Frères et Sœurs !


Nous nous trouvons aujourd’hui devant deux guérisons de paralytiques et la résurrection d’une défunte : Mais, en arrière fond, pensons à la paralysie de l’âme. Physiquement, il s’agit de paralysés et ils sont guéris, mais n’oublions pas que l’âme aussi peut être comme incapable de tout mouvement et que c’est aussi à elle que l’enseignement de ces péricopes s’applique.

I – La gratuité du Don. Le Christ et, par Lui, Ses apôtres sont spontanément tchudatvortsi, «faiseurs de miracles», comme on dit en russe et en roumain. Les apôtres sont méprisés parfois – comme le dit l’apôtre Paul – mais le miracle émane d’eux : c’est le cas d’Enée qui ne demande rien, et, a fortiori de Tabitha («gazelle») qui était morte.

II – Foi et miracle - A celui de la piscine, Christ demande : « Veux-tu être guéri ? » Dans sa «patrie», comme observe Matthieu dans un autre passage, Christ fit peu de miracles à cause du manque de foi. L’adhésion de la volonté humaine est nécessaire, même quand elle est implicite CAR LA GUERISON FONDAMENTALE est celle de l’âme : - Il faut vouloir être sauvé, ce que nous faisons tous, en particulier par l’ascétisme.

III – Le refus du miracle. «Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa maison», nous rappelle effectivement le Christ. C’est un enseignement toujours valable : ne soyons pas réticents vis-à-vis du miracle : il arrive que ceux qui demandent l’intervention divine, ne la demandent qu’à moitié, en hésitant, en comptant éventuellement sur d’autres recours ... N’est-ce pas un demi-refus de confiance ? Cependant, en dépit de notre peu de foi, Dieu vient à notre secours. C’est précisément ce qui est arrivé dans le cas du paralytique ! Cet homme voulait guérir, puisque depuis 38 ans il se faisait porter à cette piscine où se produisaient les miracles. Ce n’était pourtant pas, et nous allons le voir par la suite, «un individu très intéressant», pourrait-on dire par euphémisme. Or le Christ le guérit, spectaculairement comme le raconte la péricope évangélique : non seulement celui qui depuis presque quarante ans ne marchait pas, se relève, mais, comme le Christ le lui avait dit, il retrouve sans problème sa force musculaire : il prend son grabat et rentre chez lui ! – sans penser à remercier le Christ qui l’a guéri et dont il ignore même le nom !

Mais il y a une suite, frères et sœurs bien-aimés et les prédicateurs qui nous ont précédés et dont je vous transmets l’enseignement, nous l’ont apprise. Ce paralytique guéri, qui s’appelait Isaac Lakedem, c’est le «juif errant» !

C’était en effet un individu pas du tout recommandable. Au demeurant, le Christ lui adresse une mise en garde exceptionnelle : «Va et ne pèche plus, afin qu’il ne t’arrive pire encore !». Les juifs, vous le savez, lorsque quelqu’un était affligé d’une tare, d’une épreuve physique se demandaient : «est-ce lui qui a péché ou l’un de ses ancêtres ?». Cette interrogation, en telle circonstance particulière, les disciples la font au Christ. Or le Christ notre Dieu écarte cette opinion dans ce cas précis. Mais il n’élimine pas cette interprétation.

Nous ne sommes pas juifs, mais les juifs sont nos prédécesseurs. Quand un malheur tombe sur nous, ne disons pas simplement que c’est une malchance : interrogeons-nous ! N’est-ce pas nous qui, par nos péchés, notre égoïsme, avons attiré ce châtiment ? C’est une possibilité, et, en cette occurrence du paralytique, le Christ la souligne : «Ne pèche plus, afin qu’il ne t’arrive pire encore !». Nos saints prédécesseurs, les prédicateurs orthodoxes que j’ai cités et que je suis, nous ont transmis en effet la suite de cette histoire : lorsque le Christ montait au Calvaire portant sa croix, il est passé devant la maison de ce paralytique. Il lui a demandé à boire, et l’homme a refusé en l’insultant, Christ lui a demandé de s’asseoir un instant sur le banc qui était là et l’homme a refusé de manière également offensante, et le Christ notre Dieu lui a dit : «Tu marcheras sans connaître la mort, tu marcheras jusqu’à mon Second Avènement» ! Et, depuis, cet homme marche sans cesse sans pouvoir connaître la mort, il a même essayé de se jeter dans le Vésuve : en vain. Jusqu’au Jugement dernier, il est le Juif errant. Toutes les églises chrétiennes le savent. Certains l’on rencontré, en Allemagne, en Angleterre, au XIX-e siècle … Mais vous-même, bien-aimés Frères et Sœurs, peut-être l’avez-vous rencontré … Regardez ces passants affairés qui passent devant l’église sans jamais s’arrêter. Suivez-les par l’esprit. Ils marchent ou ils roulent en voiture comme s’ils allaient quelque part. En semaine, ils vont «au boulot», le samedi dimanche, ils vont «en boîte» ou au «resto». Ils recommencent de même la semaine suivante …

Quelle vie vaine ! Frères et Sœurs. Ils courent toujours, et, comme le juif errant, ils ne rencontrent rien. Or comme lui, souvent, ils ont rencontré Dieu, mais ils l’ont bafoué. Ils l’ont reconnu, mais ils ne l’ont pas suivi ! Car leur âme est comme paralysée !

Sachons Le reconnaître et le suivre ! Le juif errant est l’exemple même, monstrueux, de l’ingratitude.
Ne l’imitons pas, Frères et Sœurs bien-aimés ! Dans l’adversité, interrogeons-nous, faisons notre examen de conscience, ne sommes-nous pas coupable ? Et dans les bienfaits dont le Christ nous comble, sachons Le reconnaître. Le Christ nous comble de ses bienfaits : nous sommes en santé, nous sommes les uns avec les autres, nos entreprises s’arrangent «plutôt bien que mal» comme disait mon père.Quand nous sommes à l’Eglise, Il est là. Dans la Communion, c’est Lui-même que nous recevons !

Que la gratitude la plus fervente soit toujours dans nos cœurs !


AMIN


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SERMON du 3-e DIMANCHE après PÂQUES



Matines : Marc XVI, 9-20
Liturgie : Actes VI, I-7 ; Marc XV, 43 – XVI,8



AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT ESPRIT !
Bien-aimés Frères et Sœurs !


I – Les textes évangéliques d’aujourd’hui sont, pour une part, dans la ligne de l’incrédulité de Thomas. La Résurrection, c’était tellement invraisemblable ! Le Christ, au matin du premier jour de la semaine, apparut à Marie-Madeleine : mais on ne la crut pas. Marc fait allusion également aux disciples qui «allaient à la campagne» [Emmaüs] : ils revinrent et racontèrent, mais on ne les crut pas ! L’ange parla aux porteuses d’aromates et il leur dit explicitement que Jésus était ressuscité, mais elles partirent effrayées et ne dirent rien à personne. On se trouve là devant le traumatisme de ceux qui sont confrontés à l’impossible.

II – Mais nous avons aussi quelques faits qui remontent à ces toutes premières heures. Il y a la démarche courageuse de Joseph d’Arimathie, juif d’autorité, qui ne craint pas d’aller demander à Pilate le corps de Jésus. Pilate s’étonne que Jésus soit déjà mort (il s’agit donc de ce qui vient tout juste de se produire), et, après confirmation du centurion, il remet le précieux Corps à Joseph – qui acheta un linceul, détacha le corps, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans le sépulcre. Il y a donc bien eu une phase du linceul avant celle des bandelettes que, tous les évangiles l’attestent, on trouva dans le sépulcre après la résurrection. Il faut comprendre ces opérations successives dans la perspective de la mentalité juive : le contact d’un corps mort était impur. D’où les démarches successives de Joseph d’Arimathie : il achète un grand drap, y reçoit – sans le toucher ! – le Corps de Jésus, l’y roule et le dépose dans le sépulcre. Après interviennent les phases de la toilette du mort, dont les diverses civilisations évitent de parler. Ces phases accomplies par des mains non-juives, le défunt est enveloppé des bandelettes, comme une momie – celles dont parlent les évangiles de la résurrection –, et alors seulement les myrrhophores peuvent mettre, sur ces bandelettes, les aromates, portés par des mains juives donc sans contact impur avec un cadavre.

Ces porteuses d’aromates – dont parle ici saint Marc – se demandent qui leur ôtera la pierre, très lourde, posée contre le sépulcre : nous savons, par le « douzième » évangile de la résurrection (celui qu’on ne lit qu’une fois l’an, le grand samedi – qu’un ange est descendu dans un éblouissement de lumière, a écarté la pierre et s’est assis dessus …). Ces faits, dans leur complexité, ces incrédulités relèvent de l’événementiel des premières heures.

III – Il s’agit désormais avec la lecture d’aujourd’hui des Actes des Apôtres, non plus des premières heures, mais des débuts de la communauté chrétienne. Il y avait eu des conversions, par milliers parfois, parmi les juifs y compris leur « clergé », mais aussi parmi les étrangers, les « grecs » comme on disait alors, le grec étant la langue véhiculaire de ceux qui ne parlaient pas l’araméen.

Le christianisme s’étendait. Cette extension n’était pas sans problèmes, sans frictions intercommunautaires, comme nous dirions aujourd’hui. Cela est « humain » constaterions-nous et n’est pas surprenant. Mais la conclusion qu’en ont tirée les apôtres, est décisive pour le développement de la nouvelle communauté : c’est l’institution du diaconat. La fonction proprement apostolique est la prédication de la Parole. Mais le sacerdoce est, depuis ces tout premiers temps apostoliques, complété et assisté par le service des diacres et ceux-ci reçoivent l’imposition des mains.

Que le Seigneur nous donne de bien comprendre ces débuts du Christianisme et de nous en inspirer !


AMIN

 


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MESSAGE  PASCAL

A tous les pieux fidèles de l’Église Orthodoxe Russe

En Russie et à l’Étranger

CHRIST EST RESSUSCITÉ ! - EN VÉRITE, IL EST RESSUSCITÉ !

Nous vivons le temps des douloureuses divisions au sein de l’Église Russe et la Lumineuse Résurrection du Christ nous remet en mémoire la solide unité que nous avons connue de l’Église Russe Hors-Frontières, ce vaisseau-amiral de l'Orthodoxie Véritable. Nous vivons dans la certitude absolue de l'unité de l’Église en Russie et à l’Étranger qui sont comme les deux ailes du Phénix qui, Dieu voulant, retrouvera son vol aquilin.

Il ne peut y avoir de Résurrection sans les Souffrances en Croix de notre Rédempteur et Seigneur Jésus-Christ. Dieu le Père a envoyé sur notre terre pécheresse Son Fils Unique afin de sauver Sa créature, sauver l'homme de la mort éternelle. Cet événement grandiose est réalisé par l'Esprit-Saint, Tout-Puissant et Qui partage un même trône avec le Père et le Fils. Dieu-Trinité a créé l'homme à Son image et à Sa ressemblance. De même, Il rétablit à son niveau et à sa dignité antérieurs l'homme corrompu par la chute. L'orgueil est la cause de la chute. L'homme voulait devenir semblable à Dieu et il s'est retrouvé dans une situation qui lui était étrangère.

Mais n'est-ce pas ainsi qu'aujourd'hui encore les éclats aux pointes acérées de l'Orthodoxie dispersée révèlent une volonté impétueuse de pouvoir, sentiment qu'ils ont hérité d'Adam déchu.

Cependant le soleil brille pareillement pour tout le monde. Le Soleil de Vérité Ressuscité, le Christ, illumine de Son rayonnement porteur de vie tous les fidèles orthodoxes, décidés et courageux, qui recherchent la Vérité et vivent selon leur conscience. Oui, tout spécialement sur eux qui sont expérimentés et pleins d'abnégation. Mais également sur ceux qui ont perdu leur conscience.

Nous aimerions croire, et nous voyons même, combien à chaque nouvelle Pâque le Soleil de la Résurrection adoucit les angles acérés des éclats, ce qui peut nous laisser espérer à l'avenir une possible compatibilité entre eux.

J'ai pleinement conscience, en tant qu'ancien géologue, qu'un nouveau conglomérat très solide peut apparaître lorsqu'après des tempêtes et des remous, des débris se déposent en un ciment unique. Les débris conservent leur originalité tout en acquérant une nouvelle qualité en s'affermissant en un nouveau ciment par l'Esprit-Saint. Le Verbe Ressuscité-Pierre de Vie, vivifie chacun de nous, vivifie nos familles, nos communautés, notre diaspora. Il redonne vie au moindre éclat orphelin en l’Église que Dieu a fondée sur une Pierre Unique. Et dans laquelle nous vivons tous !

IRÉNÉE, Évêque de Lyon et d'Europe Occidentale

Pâque du Seigneur 2012

Burnoe – Bonn – Lyon

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SERMON DU GRAND JEUDI

AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT-ESPRIT !
Bien-aimés Frères et Sœurs,


Le Grand Jeudi est au cœur de la semaine de la Passion et il est au cœur de notre Foi.

I – C’est la grande semaine de la souffrance. Le Seigneur a déjà été trahi et Il le sait : c’est le mercredi, en effet qui est le jour mémorial de la trahison de Judas, et le lendemain vendredi est le jour de la crucifixion. Entre ces deux jours – que nous marquons chaque semaine par le jeûne, prend place le Grand Jeudi qui est le jour suprême de notre Foi, celui de la Consécration.

Le Seigneur a toutes les raisons d’être triste : Judas L’a déjà trahi, peu après tous les autres apôtres L’abandonneront et Il sera seul pour le Sacrifice de la Croix.

Or c’est en ce jour, à tous égards central, qu’Il institue l’Eucharistie, la consécration de Son Corps et de Son Sang ! pour le Salut de Multitudes d’hommes et de femmes. C’est le Mystère – la communication au Sacré – fondamental de notre foi et à travers toute l’histoire, il est unique. Le sacrifice est au cœur de beaucoup de religions : il est normal d’offrir un vivant à Dieu. Dieu est senti comme la source de la Vie : c’est un retour normal que de lui offrir un vivant. Beaucoup de religions sacrifiaient à Dieu un animal : c’était le cas de beaucoup de civilisations rurales, la bête sacrifiée avait été élevée avec sollicitude et représentait par suite une valeur fondamentale. Parfois on sacrifiait un humain, ce qui est le cas de beaucoup d’autres civilisations également proches.

Mais jamais le sacrifice n’était le sacrifice d’un dieu, à plus forte raison DU DIEU UNIQUE, du Dieu volontaire. Cette conjonction ne se trouve QUE dans le Christianisme

Mais le Christ notre Dieu, en fondant en ce jour même l’Eucharistie, consacre Son propre Corps et Son propre Sang pour le salut de beaucoup, et explicitement, ce sacrifice est destiné à être renouvelé : «Faites ceci en mémoire de Moi». C’est un sacrement éternel, le christianisme et, en ceci exceptionnel et unique.

II – Mais, en ce même jour du Grand Jeudi, Christ notre Dieu renouvelle fondamentalement par le Lavement de pieds la notion de supériorité. Cette idée d’être «le premier» était au cœur des mentalités, y compris religieuses. «Qui est le plus grand?» se demandent implicitement ou explicitement les apôtres. Jean et Jacques demandent au Christ de siéger l’un à Sa droite, l’autre à Sa gauche dans Son Royaume et cette demande suscite beaucoup de contestations parmi les autres apôtres.

Le Christ, en ce jour, montre que Ses disciples fidèles n’avaient encore rien compris. Il se ceint Lui-même d’un linge et se met à laver les pieds de Ses propres disciples. Pierre dont on sait combien il était spontané, proteste d’abord violemment, mais le Christ lui dit que s’il ne se laisse pas laver les pieds par Lui, il n’entrera jamais dans le royaume des cieux ! « Alors, aussi bien, riposte-t-il, la tête et les mains ! »

Il était spontané et sincère …

Mais ce qui est fondamental et que le Christ explicite, c’est qu’il n’y a pas de supériorité parmi les disciples, si ce n’est en leur service. Cela renverse complètement la notion traditionnelle de supériorité. Les supérieurs, antérieurement se faisaient servir. Le Christ n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir !

Tout est changé : l’Église n’est pas une société comme les autres, elle est une société fondamentalement autre : les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers !

III – Mais Christ illustre en Lui-même et lors de ce grand Jeudi, par les abandons qu’Il constate la vérité de cette doctrine fondamentale : les premiers seront les derniers.

Le grand Jeudi est en effet le jour où Judas, l’un des douze, consomme sa trahison ! Il arrive avec des hommes d’armes. Suprême dérision, c’est par un baiser – salutation antique traditionnelle – qu’il désigne le Christ à ses complices qui s’emparent de Lui.

Mais les autres disciples ? Au cours de cette même soirée, le Christ, par trois fois, se retire pour prier et recommande à Ses disciples de prier aussi : mais Il les trouve endormis ! Lors de la soirée, Il leur annonce que tous L’abandonneront. Pierre, évidemment, proteste qu’il ne Le reniera jamais ! Mais le Christ lui annonce : «Avant que le coq ne chante, tu m’auras renié trois fois». Ce qui se produit effectivement.

Le troisième enseignement fondamental de ce grand Jeudi, c’est la solitude totale du Christ dans Son Sacrifice rédempteur : Il ETAIT SEUL parce que tous L’avaient abandonné !

Que le Christ nous donne, Bien-aimés Frères et Sœurs, de ne jamais L’abandonner !


AMIN

 

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SERMON de l’ANNONCIATION

et de la RESURRECTION de LAZARE



Annonciation : Vêpres : Exod. III, 1-8 ; Prov. VIII, 22-30 ; Genèse XVIII, 20-33
Matines : Luc, I, 39-49, 56
Liturgie : Hébr. II, 11;18 Luc, I, 24-38

Lazare : Liturgie : Hébr. : XII, 28-XIII, 8 ; Jn XI, 1-45



AU NOM DU PERE DU FILS ET DU SAINT ESPRIT !
Bien-aimés Frères et Sœurs,


L’Annonciation est le commencement de notre Salut ! ont dit avec justesse les Pères de l’Eglise. C’est une très grande fête de la Mère de Dieu, mais parmi les grandes célébrations mariales non dépourvues entre elles de similitudes liturgiques, la liturgie de l’Annonciation nous apporte des enseignements d’une particulière richesse.

I – Elle comporte, initialement, une prémonition théophanique d’une forte densité symbolique. Tiré de l’Exode, c’est l’épisode du Buisson ardent. Moïse voit dans la montagne déserte un Buisson qui brûlait sans se consumer. Surpris de ce phénomène, il s’approche et Dieu lui parle : «Déchausse-toi [ce qui veut dire que la terre de ce lieu est sacrée], Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob …». De ce buisson ardent, Dieu s’adresse à lui. Ces paroles divines venues d’un buisson qui ne se consumait pas sont manifestations du Dieu-Parole, c’est-à-dire du Verbe, et nous savons, nous orthodoxes, que le buisson ardent est une icône de la Mère de Dieu qui porta en elle le Verbe de Dieu sans être consumée. Or Dieu dit à Moïse qu’Il a vu l’affliction des Hébreux sous les Egyptiens et qu’Il est résolu à les délivrer et à les conduire vers la Terre Promise.

C’est donc la grande libération historique des Hébreux, prélude à la libération des humains, opérée par le Libérateur qui naîtra selon la parole de l’ange du buisson non consumé, Marie la Vierge. Nous joindrons à cette annonce de joie, le passage de la Genèse lu à la Sixième Heure. Il s’agit de Sodome et Gomorrhe dont le scandale est monté jusqu’à l’Eternel qui envoie des anges – apparus au Chêne de Mambré. Or tandis que ceux-ci vont remplir leur mission, Abraham continue, avec une hardiesse dont il est confus, son dialogue avec l’Eternel … «Peut-être y a t-il dans ces villes perverties, cinquante justes … Les feras-Tu périr et ne feras-Tu pas grâce à cause d’eux». «Je ferai grâce, dit Dieu, pour ces cinquante justes !» - Et, poursuis Abraham, s’il ne s’en trouve que quarante-cinq ? – Je ferai grâce, dit Dieu pour ces quarante-cinq ! Le dialogue continue : «Et s’il n’y en a que quarante ?». Dieu fera grâce ! Abraham continue longuement … «Et s’il ne s’en trouve que dix ?» Le Seigneur fera grâce à cause de ces dix ! Même pour une poignée de justes !... Nous voyons par là l’infinie Miséricorde de Dieu, cette Miséricorde dont procède notre Salut dont nous célébrons l’annonce.

II – Avec la péricope de l’Epître aux Hébreux de l’apôtre Paul, nous sommes au cœur de l’avènement du Salut : «Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés ne sont qu’un» : c’est pourquoi Il – c’est-à-dire le Christ – n’a pas honte de les appeler ses frères. C’est les enfants que Dieu Lui a donnés, et, puisque ces enfants sont chair et sang, il a Lui-même participé à leur nature, afin que, souverain sacrificateur semblable à tous ses frères – de la postérité d’Abraham que nous retrouvons ici – Il détruisît, par sa mort l’empire du diable et de la mort. Car Il n’a pas pris les anges, mais la descendance d’Abraham. C’est pourquoi il a fallu qu’Il fut semblable en toutes choses à Ses frères, afin qu’Il fût un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle –repensons à l’inlassable miséricorde du Dieu d’Abraham – et qu’Il remplisse pleinement l’expiation pour les péchés du peuple dont Il avait assumé la nature.

III – Rien, en effet, n’est impossible à Dieu. D’où l’association, dans les deux péricopes évangéliques, de la conception de la Stérile – c’est-à-dire Elisabeth, la mère du Précurseur – et de l’Incarnation du Verbe en Marie la Vierge.

L’évangile de Matines est celui de la Visitation : l’ange en effet dans son annonce à Marie avait explicitement mentionné l’attente inattendue d’Elisabeth et Marie lui rend aussitôt une longue visite. Elisabeth s’émerveille que la mère de son Seigneur la visite : Tu es bénie entre les femmes, dit-elle, et le fruit de ton sein est béni, et Marie répond : Mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit se réjouit en Dieu mon Sauveur

Auparavant, l’ange Gabriel avait paru devant Marie : Réjouis-toi, Marie pleine de grâces, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre les femmes, et avait annoncé qu’elle concevrait un fils auquel elle donnerait le nom de Jésus … Marie s’était étonnée «car elle ne connaît pas d’homme». L’ange lui dit que l’Esprit surviendra en elle, et, lui révélant que la stérile Elisabeth attend un enfant, il ajoute : «car rien n’est impossible à Dieu»

Christ S’est incarné du Saint-Esprit et de Marie la Vierge. Il a vécu parmi nous. Il a été crucifié et Il est ressuscité : par Sa mort, Il a vaincu la Mort. Rendons-Lui gloire ! et vénérons l’Annonciation faite à Marie, la toujours vierge.

IV – «Dieu est un feu brûlant», commence l’apôtre, dans cette péricope presque finale de l’Epître aux Hébreux, et il poursuit en évoquant toutes les vertus conseillées aux chrétiens, l’hospitalité – certains n’ont-ils pas reçu des anges, sans le savoir … – la visite des prisonniers, le mariage honorable, l’absence de toute avarice ; toutes les vertus personnelles, en somme : Dieu n’a-t-il pas dit : Je ne t’abandonnerai point.
Il faut se souvenir aussi de nos maîtres, ceux qui nous ont apporté la Parole de Dieu, imiter leur foi et leur vie. L’apôtre conclut ces avis par cette vérité de référence, absolue et qui est la base de tout : «
Jésus-Christ est le même, hier, aujourd’hui et éternellement !».

Mémorable Préambule qui nous conduit à la Résurrection de Lazare.

V – Celle-ci est racontée par saint Jean dans toutes ses circonstances. Lazare était tombé – gravement – malade et ses sœurs, Marthe et Marie firent prévenir son ami, le Seigneur. Mais celui-ci ne se pressa pas de venir : cette maladie n’est pas la fin : elle est pour la gloire du Fils de Dieu … Le Seigneur, en l’occurrence, ne se désigne pas, ici, comme «Fils de l’Homme», comme il fait souvent. C’est en effet en tant que Dieu qu’Il ressuscitera Lazare. Il prend son temps, deux jours passent, et Il dit aux apôtres : «Lazare dort !». «S’il dort, c’est qu’il va mieux !», disent ceux-ci avec bon sens. Mais le Seigneur explicite : Lazare est mort et je me réjouis à cause de vous afin que vous croyiez ! Jésus a ressuscité d’autres morts, le fils de la veuve de Naïm, la fille de Jaÿr … mais jamais Il n’avait explicité cet objectif. Nous sommes vraiment dans une circonstance exceptionnelle – puisque nous arrivons à quelques jours de la Passion – et la résurrection de Lazare est elle-même singulièrement spectaculaire. Elle l’est d’autant plus que Lazare était mort depuis quatre jours : or chacun sait, dans les civilisations traditionnelles, que l’âme ne quitte le corps que le troisième jour – commencement de la corruption de la chair. L’apôtre poursuit, il modèle son récit sur la lenteur de son Divin Maître. Marthe, sachant que Jésus arrivait vient à sa rencontre et lui dit : «Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort !». «Ton frère ressuscitera !» - «Au dernier Jour, je sais bien !», répond la pieuse Marthe. «Je suis la Résurrection et la Vie !» – autre révélation exceptionnelle dans cet épisode d’exception. «Quiconque croit en Moi – fût-il mort – vivra ! Crois-tu cela ?». Marthe acquiesce et elle poursuit : «Je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui devait venir en ce monde !». Plénitude de la foi, de la confession explicite de Marthe …

L’épisode évangélique continue à se dérouler, lentement. Marthe fait avertir sa sœur, celle-ci quitte ses visiteurs – qui la suivent en pensant qu’elle va pleurer sur la tombe de son frère. Elle arrive. Le Seigneur n’a pas bougé du lieu où Il avait rencontré Marthe … Marie arrive, tombe aux pieds de Jésus en pleurant et redit à peu près les mêmes paroles que Marthe. Les autres Juifs qui l’avaient suivi, pleuraient aussi … Jésus frémit en Lui-même, Il demanda : «Où l’avez-vous mis ?» – Car homme, Il ne le savait pas –, et Lui aussi pleura si bien que les témoins disaient : «Voyez comme Il l’aimait» … On Le conduit au tombeau ; Il dit d’enlever la pierre qui fermait le sépulcre – «Seigneur, dit Marthe, il pue déjà …». Lazare était mort depuis quatre jours et la corruption de son corps avait commencé. Alors le Fils de Dieu adresse à Son Père une brève prière : «Je sais bien que Tu m’écoutes toujours, mais je te remercie à cause de ceux-ci».

Alors, en tant que Dieu, Il crie d’une vois forte : «Lazare, sors de là !» et Lazare, tout enveloppé de bandelettes – qui rendent tout mouvement impossible – sort du tombeau, le visage encore couvert du voile de face. Quelques jours plus tard, il participait à un repas chez lui avec ses amis et ses proches, en présence de Jésus.

La résurrection de Lazare MORT DEPUIS QUATRE JOURS est, peut-on penser, le sommet incontestable de tous les miracles accomplis par le Seigneur lors de Sa vie terrestre !

Que les prières de saint Lazare nous accompagnent en cette fin du Carême.


AMIN



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