SERMON de la 6-e SEMAINE APRÈS PAQUE

Dimanche de l'aveugle

Actes XVI, 16-34 ; Jean IX, 1-38

 

CHRISTOS  VOSKRESE !

Bien-aimés Frères et Sœurs,

 

Ce Dimanche de l’aveugle-né est unifié par la notion de Lumière.

INous avons d’abord le récit des Actes évoquant cette servante dotée d’un esprit de prophétie ou de voyance dont ses maîtres tiraient grand profit car on la consultait. En l’occurrence d’ailleurs cette voyante rendait hommage à la qualité de « serviteurs du Dieu très haut » de Paul et de Silas. Elle les suivait ainsi, mais Paul, discernant celui qui était en elle, chasse cet esprit, ce démon en somme … si bien que la servante ne peut plus dire la bonne aventure, ce qui tarit les ressources qu’elle apportait à ses maîtres. Il en résulta une plainte de ceux-ci et une suite judiciaire que nous laisserons de côté.

Ce que nous retiendrons par l’exemple de cette voyante, c’est qu’il y a une fausse lumière (même quand celle-ci, en apparence, transmet des informations exactes) – donc un faux esprit de prophétie. Un prêtre que j’ai connu, catholique mais ayant de bonnes réactions chrétiennes, avait dans sa ville une cartomancienne et voyante de renom : elle avait beaucoup de « clients » et plusieurs fidèles de ce prêtre lui en avaient parlé, y étaient allés et avait été très impressionnés : « Elle nous a dit bien des choses exactes et nous a annoncé … ». Ce prêtre décida d’y aller lui-même comme un client anonyme, mais, comme il avait de bons réflexes chrétiens, il mit dans sa poche son chapelet – tchiotki. La voyante commença à parler et à annoncer …, et le prêtre, subrepticement, mit la main dans la poche du chapelet. La voyante continue de parler quelques instants, puis s’interrompt : « C’est étrange : je ressens une nette réticence de celui qui ordonne … « Celui qui ordonne » était un démon, tout comme dans le cas de cette servante exorcisée par l’Apôtre Paul. C’est ce que l’on constate aussi de nos jours dans « l’esprit de prophétie » qui anime certains sectaires, qui se mettent aussi à parler dans des langues inconnues …

Mais tout ce qui luit n’est pas la vraie lumière : c’est de celle-ci qu’il  est dit – dans l’évangile de Matthieu (11, 5, 14-19) parlant des apôtres : Vous êtes la lumière du monde. C’est le Christ qui est la lumière authentique, Il le dit dans cette péricope même, et c’est cette vraie lumière qu’Il donne à l’aveugle né qui se convertit. Celui-ci, en effet, retrouve la vue et comme il est dit à la fin de l’évangile de ce jour, il se prosterne devant le Christ.

IILa péricope de l’aveugle né est longue et complexe.

Les apôtres, conformément aux habitudes des Juifs ainsi que je l’avais dit dans le Sermon sur le paralytique, demandent si c’est lui ou ses parents qui avaient péché. Le Christ répond que ce n’est ni lui ni eux, mais qu’il est ainsi infirme, « afin que les œuvres de Dieu soient manifestées » – et nous comprenons par là que dans la vie humaine rien n’est hasard, mais que tout est providentiellement marqué ce qui nous invite à méditation.

Singulier est le lent processus de déroulement du miracle de l’aveugle né. Il est arrivé d’autres fois qu’un mot suffise au Christ pour guérir des infirmes, des aveugles en particulier. Ici, il crache dans la terre, fait une pâtée de boue, en oint les yeux de l’aveugle qu’Il envoie se laver à la piscine de Siloé. L’homme y va, se lave là et est guéri.

En lui recréant des yeux avec ce mélange de terre et de salive, le Christ agit en tant que Créateur : la terre a produit par Son ordre – récit de la Genèse – les êtres vivants. De la même manière, il crée Eve en prélevant une côte d’Adam. Nous savons aussi que, de chaque homme, il est dit : Tu es terre et tu retourneras à la terre.

Mais le Christ lui ayant ainsi mystérieusement recréé les globes oculaires, envoie l’aveugle se laver à la piscine de Siloé. L’aveugle, potentiellement, peut voir – quoiqu’il ne le sache pas encore, – mais le Christ l’envoie se laver à la piscine de Siloé, dont il revient en voyant parfaitement.

Parce que cette piscine que l’ange agitait parfois c’est un aspect de la Foi Transmise des Juifs. Foi transmise, nous orthodoxes sommes sensibles à cette notion. Or le Christ a dit – cela est rappelé dans l’évangile de Matthieu – qu’il n’est pas venu détruire la Loi, mais l’accomplir. Il précise encore qu’il n’y a pas de « petit commandement » et que quiconque négligera un de ces « petits commandement », un iota de la Loi, sera dit « très petit » dans le royaume des cieux.

IIIMais alors Lui-même, le Christ notre Dieu, qu’est-Il en train de faire ? Avec cette pâtée de boue qu’Il fabrique et dont Il oint les paupières de l’aveugle, n’est-Il pas en train de manquer au repos du Sabbat  qui n’est pas un petit commandement ?

A la Samaritaine, le Christ a dit : « Ce n’est ni à Jérusalem ni ailleurs que vous devrez adorer car vous adorerez Dieu en esprit et en vérité ».

La Foi a succédé à la Loi dont elle est l’accomplissement et qu’elle transfigure. Nous aussi nous respectons le nouveau Sabbat – qui commence même par les vêpres du samedi soir, mais qui se développe en ce « premier jour de la semaine », le Dimanche. Nous sanctifions ce jour, mais nous prions aussi pour « ceux qui pour de bonnes raisons sont absents ». De la même manière, le jeûne eucharistique est rigoureusement prescrit, mais quand le prêtre secourt un malade à l’hôpital, il lui donne la Communion, alors que ce malade n’a pas jeûné. « Vous adorerez en esprit et en vérité ».

Face à ce miracle de la guérison de l’aveugle né, ce respect des traditions juives (la fontaine de Siloé), il y a aussi le formalisme buté des pharisiens. Ils ont eu sous les yeux la Lumière du monde, ils ont vu en l’aveugle l’œuvre de Dieu, mais ils objectent le respect du sabbat. Faire un miracle le jour du sabbat  leur semble contraire au repos sabbatique. Mais Celui qui a recréé l’œil de l’aveugle est aussi Celui qui a institué le sabbat ! … Il l’a dit : le sabbat est fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat !

Il n’importe, pour ces pharisiens, celui qui a ainsi guéri en ce jour ne peut être qu’un pécheur.

D’où les interrogatoires à perte de vue de l’aveugle guéri, de ses parents, l’atmosphère de pointillisme juridique et inquisitorial qui pèse sur ces derniers en particulier. L’aveugle guéri y échappe et retourne à ses interrogateurs cette question humoristique : « Voulez-vous, vous aussi, vous convertir à cet homme ? »

Il se fait rabrouer, mais lui, par contre il a parfaitement compris. Celui qui lui a rendu la vue, ce que personne n’a jamais fait, ne peut que venir de Dieu.

Or quand il a le bonheur de rencontrer Jésus, celui-ci lui demande : « Crois-tu au Fils de Dieu ? » - « Qui est-ce ? » - « Celui-là même qui te parle ? », alors il Lui dit : « Je crois, Seigneur » et il se prosterne devant Lui.

Il est guéri et il est sauvé !

L’aveugle-né guéri est l’antagoniste du paralytique monstrueusement ingrat, d’Isaac Lakedem, le juif errant, que nous avons évoqué il y a deux semaines.

Que l’aveugle-né guéri et sa bouleversante et salvifique gratitude soient toujours dans nos cœurs !

AMIN

 

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SERMON du 5e DIMANCHE après PÂQUE

Samaritaine et Saint Nicolas

Matines : Jean XX, 1-10

Liturgie : Actes XI, 19-26, 29-30 ; Jean : IV, 5-42


CHRIST EST RESSUSCITÉ !

Bien-aimés Frères et Sœurs,

I - Dans les dimanches précédents, immédiatement consécutifs à la Pâque, nous avons vu la stupeur et l’incrédulité – pensons à Thomas  –, le traumatisme devant l’impossible comme nous avions dit. Cependant, paradoxalement, l’Eglise se développait. Dès le 3-e dimanche, nous avons vu l’institution des diacres. Le christianisme était l’option impensable … Cependant, par la main du Seigneur, comme il est dit dans la lecture d’aujourd’hui des Actes, il s’enracinait et s’étendait. La lapidation du diacre Stéphane a marqué une première vague, presque spontanée, de persécutions : les apôtres se sont enfuis, en Phénicie, à Chypre, à Antioche. Ils ne s’adressaient qu’aux Juifs. Cependant la nouvelle foi se diffusait même et notamment parmi les Grecs. Si bien que, de Jérusalem, on envoie Barnabé à Antioche et lui-même, peu après, va chercher Saül, c’est-à-dire Paul, à Tarsis. Cet apostolat dura près d’un an : c’est à Antioche, fait mémorable, que pour la première fois ceux qui avaient embrassé la foi nouvelle furent appelés chrétiens …

II Ce cinquième Dimanche est celui de la Samaritaine. La péricope évangélique que vous venez d’entendre est longue, part d’un simple fait divers, et comporte de singulières révélations. Le fait divers, c’est que, apparemment fatigué par la marche, le Seigneur s’assoit sur la margelle d’un puits, le puits de Jacob, pendant que ses disciples vont chercher de la nourriture au bourg voisin.

Mais, comme observent les prédicateurs orthodoxes, le Seigneur est Dieu et Il savait qui Il attendait.

C’était l’été, certes et il faisait très chaud : c’était la sixième heure et c’est précisément à la sixième heure que le serpent s’adressa à notre première mère Ève et la fit chuter par la gourmandise ! En quelque manière, la Samaritaine – qui s’appelait Photinie ou Svetlana – et qui par la suite mourut martyre, est une anti-Eve.

Ce n’était pourtant pas à l’origine, comme remarquent des prédicateurs, une personne exemplaire : elle avait eu cinq « maris » - et du sixième, avec lequel elle vivait, nous savons que ce n’était pas son mari. Certes, elle venait chercher l’eau au puits comme toutes les femmes du village, mais cela lui semblait une corvée, comme l’atteste la joie avec laquelle elle accueille l’idée d’une eau vive après laquelle on n’aurait plus jamais soif.

Le Seigneur n’est pas venu sauver les justes, mais les pécheurs.

En outre cette femme, un peu « ordinaire » dans sa mentalité, était Samaritaine et il y avait un fort contentieux – religieux – entre les Juifs et les Samaritains et c’est ce que remarque avec grande surprise Svetlana : « comment se fait-il, que toi, Juif, tu me demandes à boire, à moi Samaritaine ? »

Les Samaritains étaient, pour les Juifs, des sortes d’hérétiques, puisqu’ils prétendaient adorer Dieu sur leur montagne, alors que, pour les Juifs, le seul culte agréable à Dieu devait Lui être rendu à Jérusalem.

« Pécheresse, en quelque sorte, Svetlana-Photinie, l’était deux fois, par sa propre vie et par son appartenance.

III - C’est pourtant à elle que Dieu – qui comme je l’ai rappelé l’attendait - fait trois révélations fondamentales. Certes, le Salut vient des Juifs – confirmation d’importance ! – MAIS le temps vient – et il est arrivé ! – où les vrais adorateurs adoreront Dieu EN ESPRIT ET EN VÉRITÉ. C’est la révélation des deux temps de l’Alliance, l’ancienne loi et la nouvelle foi.

Dieu en effet est Esprit et celui qui adore en esprit et en vérité est l’adorateur que Dieu veut.

Photinie a de quoi être fortement « secouée » pour le dire familièrement : elle retombe cependant sur ce que nous pourrions appeler « les fondamentaux » de la croyance qu’elle avait reçue : « Nous savons, dit-elle, que le Messie viendra que l’on appelle le Christ, et, quand Il viendra, Il nous enseignera tout ».

Le Seigneur lui répond par la troisième révélation : « Le Messie, c’est Moi que te parle ! »

Svetlana-Photinie laisse ses seaux et court au village. Elle raconte … « Cet homme qui m’a dit tout ce que j’avais fait dans ma vie, venez et voyez : ne serait-ce pas le Christ ? ». Ils vinrent en effet, ils entendirent et ils prièrent le Christ de rester. Il resta deux jours beaucoup crurent en Lui, et ensuite ils pouvaient dire à la femme : « Maintenant, nous ne croyons pas parce que tu nous as dit : nous avons entendu et nous savons qu’Il est en vérité le Sauveur du monde, le Christ ! »

Entretemps, les apôtres étaient revenus, rapportant de la nourriture. Ils Le prièrent de manger. Il leur dit : « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui M’a envoyé et d’accomplir Son œuvre … ». Il a effectivement accompli ce que l’ancienne Alliance avait initié. Il poursuit en évoquant la moisson imminente – nous sommes en effet en plein été – : elle réjouira le semeur et le moissonneur. Celui qui sème n’est pas toujours celui qui moissonne … Je vous ai envoyé moissonner où vous n’aviez pas travaillé et vous ramasserez le fruit du labeur des autres »

Cela nous ramène au thème de l’expansion apostolique si profondément lié à ces dimanches d’après Pâque comme nous l’avons dit au début.

Puissions-nous nous insérer nous aussi, modestement, à cette œuvre apostolique à laquelle le Christ Lui-même nous a appelés ainsi que tous Ses disciples !

IVMais j’ajouterai encore quelques mots concernant l’eau vive, car il s’agit de la Samaritaine et de l’eau que Jésus donnera et dont Il dit que celui qui la boira n’aura plus jamais soif. Et Il ajoute : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau vive qui jaillira jusqu’à la vie éternelle. L’apôtre Jean, au chap. VII (37-39) explique cela en  racontant que le dernier jour de la fête, Jésus dit : si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Qui croit en Moi, des fleuves d’eau vive couleront de lui, comme l’Ecriture le dit. L’apôtre ajoute : Il disait cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Lui, car le Saint-Esprit n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié [élevé sur la Croix].

L’eau, c’est l’eau de l’Esprit qui est la vie. Au début de la Genèse, il est dit en effet que l’Esprit de Dieu planait sur les eaux, ce qui veut dire qu’Il les fécondait et toute la vie allait découler de ces eaux. De l’eau de l’Esprit, procède d’abord toute vie physique : c’est pour cela que l’on remplit d’herbe nos églises le jour de la Pentecôte,  car l’herbe est gonflée de vie. Mais l’eau de l’Esprit est aussi, par le sacrifice du Christ, l’eau de la vie - spirituelle et éternelle. Dans quelques jours, nous fêterons la descente du Saint-Esprit, la Pentecôte – qui est aussi la Fête de la Trinité. Dieu est UN, Père Fils et Saint-Esprit, la Trinité étant consubstantielle et indivisible : quiconque  voit le Christ [réponse à l’apôtre Philippe] voit le Père, de même le Christ est l’inépuisable source d’eau vive : le Saint-Esprit …

Qu’en ce jour de l’EAU VIVE, nous nous préparions déjà, bien-aimés Frères et Sœurs, à l’adoration de la Très Sainte Trinité à qui sont tout honneur et toute gloire dans les siècles des siècles !

 

AMIN




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SERMON du 4-e DIMANCHE après PÂQUE

Dimanche du paralytique

 

Matines : Luc XXIV, 1-12

Liturgie : Actes IX, 32-42 ; Jean V, 1-15

 

 

CHRIST EST RESSUSCITÉ !

Bien-aimés Frères et Sœurs,

 

Nous nous trouvons aujourd’hui devant deux guérisons de paralytiques – et la résurrection d’une défunte. Mais, en arrière fond, pensons à la paralysie de l’âme.

Physiquement, il s’agit de paralysés et ils sont guéris, mais n’oublions pas que l’âme aussi peut être comme incapable de tout mouvement et que c’est aussi à elle que l’enseignement de ces péricopes s’applique.

I – La gratuité du Don

Le Christ et, par Lui, Ses apôtres sont spontanément tchudatvortsi, « faiseurs de miracles », comme on dit en roumain.

Les apôtres sont méprisés parfois – comme le dit l’apôtre Paul – mais le miracle émane d’eux : c’est le cas d’Enée qui ne demande rien, et, a fortiori de Tabitha (« gazelle ») qui était morte.

II – Foi et miracle

A celui de la piscine, Christ demande : « Veux-tu être guéri ? »

Dans sa « patrie », comme observe Matthieu dans un autre passage, Christ fit peu de miracles à cause du manque de foi.

L’adhésion de la volonté humaine est nécessaire, même quand elle est implicite.

CAR LA GUERISON FONDAMENTALE est celle de l’âme : Il faut vouloir être sauvé, ce que nous faisons tous, en particulier par l’ascétisme.

III – Le refus du miracle

« Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa maison », nous rappelle effectivement le Christ. C’est un enseignement toujours valable : ne soyons pas réticents vis-à-vis du miracle : il arrive que ceux qui demandent l’intervention divine, ne la demandent qu’à moitié, en hésitant, en comptant éventuellement sur d’autres recours ... N’est-ce pas un demi-refus de confiance ?

Cependant, en dépit de notre peu de foi, Dieu vient à notre secours.

C’est précisément ce qui est arrivé dans le cas du paralytique !

Cet homme voulait guérir, puisque depuis 38 ans il se faisait porter à cette piscine où se produisaient les miracles. Ce n’était pourtant pas, et nous allons le voir par la suite, « un individu très intéressant », pourrait-on dire par euphémisme.

Or le Christ le guérit, spectaculairement comme le raconte la péricope évangélique : non seulement celui qui depuis presque quarante ans ne marchait pas, se relève, mais, comme le Christ le lui avait dit, il retrouve sans problème sa force musculaire : il prend son grabat et rentre chez lui ! – sans penser à remercier le Christ qui l’a guéri et dont il ignore même le nom !

Mais il y a une suite, frères et sœurs bien-aimés, et les prédicateurs qui nous ont précédé et dont je vous transmets l’enseignement, nous l’ont apprise. Ce paralytique guéri, qui s’appelait Isaac Lakedem, c’est le « juif errant » !

C’était en effet un individu pas du tout recommandable. Au demeurant, le Christ lui adresse une mise en garde exceptionnelle : « Va et ne pèche plus, afin qu’il ne t’arrive pire encore ! »

Les Juifs, vous le savez, lorsque quelqu’un était affligé d’une tare, d’une épreuve physique se demandaient : « est-ce lui qui a péché ou l’un de ses ancêtres ? » Cette interrogation, en telle circonstance particulière, les disciples la font au Christ. Or le Christ notre Dieu écarte cette opinion dans ce cas précis. Mais il n’élimine pas cette interprétation.

Nous ne sommes pas Juifs, mais les Juifs sont nos prédécesseurs. Quand un malheur tombe sur nous, ne disons pas simplement que c’est une malchance : interrogeons-nous ! N’est-ce pas nous qui, par nos péchés, notre égoïsme, avons attiré ce châtiment ? C’est une possibilité, et, en cette occurrence du paralytique, le Christ la souligne : « Ne pèche plus, afin qu’il ne t’arrive pire encore ! »

Nos saints prédécesseurs, les prédicateurs orthodoxes que j’ai cités et que je suis, nous ont transmis en effet la suite de cette histoire : lorsque le Christ montait au Calvaire portant sa croix, Il est passé devant la maison de ce paralytique. Il lui a demandé à boire, et l’homme a refusé en L’insultant, Christ lui a demandé de s’asseoir un instant sur le banc qui était là et l’homme a refusé de manière également offensante, et le Christ notre Dieu lui a dit : « Tu marcheras sans connaître la mort, tu marcheras jusqu’à mon Second Avènement ! ». Et, depuis, cet homme marche sans cesse sans pouvoir connaître la mort, il a même essayé de se jeter dans le Vésuve : en vain. Jusqu’au Jugement dernier, il est le Juif errant.

Toutes les Eglises chrétiennes le savent. Certains l’on rencontré, en Allemagne, en Angleterre, au XIX-e siècle …

Mais vous-même, bien-aimés Frères et Sœurs, peut-être l’avez-vous rencontré … Regardez ces passants affairés qui passent devant l’église sans jamais s’arrêter. Suivez-les par l’esprit. Ils marchent ou ils roulent en voiture comme s’ils allaient quelque part. En semaine, ils vont « au boulot », le samedi dimanche, ils vont « en boîte » ou au « resto ». Ils recommencent de même la semaine suivante …

Quelle vie vaine ! Frères et Sœurs. Ils courent toujours, et, comme le Juif errant, ils ne rencontrent rien. Or comme lui, souvent, ils ont rencontré Dieu, mais ils L’ont bafoué. Ils L’ont reconnu, mais ils ne L’ont pas suivi ! Car leur âme est comme paralysée !

Sachons Le reconnaître et Le suivre !

Le Juif errant est l’exemple même, monstrueux, de l’ingratitude.

Ne l’imitons pas, Frères et Sœurs bien-aimés ! Dans l’adversité, interrogeons-nous, faisons notre examen de conscience, ne sommes-nous pas coupable ? Et dans les bienfaits dont le Christ nous comble, sachons Le reconnaître. Le Christ nous comble de Ses bienfaits : nous sommes en santé, nous sommes les uns avec les autres, nos entreprises s’arrangent « plutôt bien que mal » comme disait mon père.

Quand nous sommes à l’Eglise, Il est là. Dans la Communion, c’est Lui-même que nous recevons !

Que la gratitude la plus fervente soit toujours dans nos cœurs !

 

AMIN

 

 

 

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SERMON du 3-e DIMANCHE après PÂQUE

Femmes Myrrophores - Apôtre et Evangéliste Marc

Matines : Marc XVI, 9-20

Liturgie : Actes VI, 1-7 ; Marc XV, 43 - XVI,8

I Pierre V, 6-14 ; Marc VI, 7-13

 

AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT ESPRIT

Bien-aimés Frères et Sœurs !

 

I Les textes évangéliques d’aujourd’hui sont, pour une part, dans la ligne de l’incrédulité de Thomas. La Résurrection, c’était tellement invraisemblable ! Le Christ, au matin du premier jour de la semaine, apparut à Marie-Madeleine : mais on ne la crut pas. Marc fait allusion également aux disciples qui « allaient à la campagne » [Emmaüs] : ils revinrent et racontèrent, mais on ne les crut pas ! L’ange parla aux porteuses d’aromates et il leur dit explicitement que Jésus était ressuscité, mais elles partirent effrayées et ne dirent rien à personne.

On se trouve là devant le traumatisme de ceux qui sont confrontés à l’impossible.

Mais nous avons aussi quelques faits qui remontent à ces toutes premières heures. Il y a la démarche courageuse de Joseph d’Arimathie, Juif d’autorité, qui ne craint pas d’aller demander à Pilate le corps de Jésus. Pilate s’étonne que Jésus soit déjà mort (il s’agit donc de ce qui vient tout juste de se produire), et, après confirmation du centurion, il remet le précieux Corps à Joseph – qui acheta un linceul, détacha le corps, l’enveloppa dans le  linceul et le déposa dans le sépulcre. Il y a donc bien eu une phase du linceul avant celle des bandelettes que, tous les évangiles l’attestent, on trouva dans le sépulcre après la résurrection. Il faut comprendre ces opérations successives dans la perspective de la mentalité juive : le contact d’un corps mort était impur. D’où les démarches successives de Joseph d’Arimathie : il achète un grand drap, y reçoit – sans le toucher ! – le corps de Jésus, l’y roule et le dépose dans le sépulcre.

Après interviennent les phases de la toilette du mort, dont les diverses civilisations évitent de parler. Ces phases accomplies par des mains non-juives, le défunt est enveloppé des bandelettes, comme une momie – celles  dont parlent les évangiles de la résurrection –, et alors seulement les myrrhophores peuvent mettre, sur ces bandelettes, les aromates, portés par des mains juives donc sans contact impur avec un cadavre.

Ces porteuses d’aromates – dont parle ici saint Marc – se demandent qui leur ôtera la pierre, très lourde, posée contre le sépulcre : nous savons, par le « douzième »  évangile de la résurrection (celui qu’on ne lit qu’une fois l’an, le grand samedi) – qu’un ange est descendu dans un éblouissement de lumière, a écarté la pierre et s’est assis dessus …

Ces faits, dans leur complexité, ces incrédulités relèvent de l’événementiel des  premières heures.

IIMais il y a, en cette fête de l’apôtre et évangéliste Marc, l’enseignement des paroles de Jésus aux douze.

Jésus les envoie deux par deux. Il leur donne pourvoir sur les esprits impurs. Il leur prescrit de ne rien prendre pour leur chemin, ni argent, ni vêtement de rechange. Là où l’on vous recevra, restez-y le temps nécessaire. Ceux qui ne vous écouteront pas, qui ne vous recevront pas, secouez la poussière de vos pieds en vous retirant … Mais ce refus de vous entendre, n’est pas dépourvu de sanction : Sodome et Gomorrhe, au grand jour, seront mieux placés que ces bourgades-là …

Ceci étant, les apôtres envoyés deux par deux, chassèrent les démons, guérirent les malades.

Ils font ce qu’ils doivent faire.

La Rédemption s’accomplit. Mais ceux qui la refusent seront responsables de leur refus.

Les apôtres, poursuit Marc ailleurs, prêchèrent partout, le Seigneur opérant avec eux, et confirmant leurs paroles par les miracles qui les accompagnaient.

Au-delà des perturbations des premières heures, nous débouchons déjà sur l’expansion du Christianisme.

IIIIl s’agit désormais avec la lecture d’aujourd’hui des Actes des Apôtres, non plus des premières heures, mais des débuts de la communauté chrétienne.

Il y avait eu des conversions, par milliers parfois, parmi les Juifs y compris leur « clergé », mais aussi parmi les étrangers, les « Grecs » comme on disait alors, le grec étant la langue véhiculaire de ceux qui ne parlaient pas l’araméen.

Le christianisme s’étendait.

Cette extension n’était pas sans problèmes, sans frictions inter-communautaires, comme nous dirions aujourd’hui. Cela est « humain » constaterions-nous et n’est pas surprenant.

Mais la conclusion qu’en ont tirée les apôtres, est décisive pour le développement de la nouvelle communauté : c’est l’institution du diaconat. La fonction proprement apostolique est la prédication de la Parole. Mais le sacerdoce est, depuis ces tout premiers temps apostoliques, complété et assisté par le service des diacres et ceux-ci reçoivent l’imposition des mains.

Que le Seigneur nous donne de bien comprendre ces débuts du Christianisme et de nous en inspirer !

 

AMIN



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SERMON sur l’ANTIPÂQUE ou DIMANCHE de THOMAS

Actes V, 12-20

Jean XX, 19-31

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit !

Bien-aimés Frères et Sœurs,

 

I Antipâque, car elle est en regard de la Pâque et lui faisant suite : nous sommes encore dans la Semaine Lumineuse et l’anti-pâque est aussi le Dimanche de Thomas. La Résurrection est hors de toute norme et elle a perturbé les plus fidèles : l’Évangile, premier des onze, lu hier soir, raconte l’apparition du Christ à Ses apôtres sur cette montagne de Galilée qu’Il leur avait indiquée ; Il leur parle, les apôtres, même ceux qui avaient douté, se sont tous prosternés …

Dans les semaines qui ont suivi, Thomas ne se distingue pas des autres apôtres qui se retrouvaient au Portique de Salomon, étaient entourés et faisaient des miracles ...

Ce Thomas avait été choisi par Jésus. Dès le commencement, il faisait partie des douze. Il avait suivi Jésus pendant les trois années de son ministère. La vie des apôtres était une vie difficile d’errance et d’épreuves que décrit ensuite l’apôtre Paul dans ses épîtres. On les tenait facilement pour des illuminés, des moins que rien. Ils devaient travailler de leurs mains pour subsister, ils étaient pauvres, ils souffraient de la faim, de la soif, du froid. On les frappait éventuellement, on les calomniait, on les insultait. Eux, en revanche, dit encore saint Paul, ils bénissaient, ils priaient pour ceux qui les maltraitaient. Vie de misère et d’épreuves !

Pendant trois ans, Thomas avait suivi, il avait supporté, « sans hésitation ni murmure », dirions-nous. Il ne se mettait pas en avant, il était simplement et humblement un fidèle compagnon du Christ.

Mais les trois fois où les évangiles le mentionnent personnellement sont riches d’enseignement pour nous, révélatrices aussi de sa personnalité.

Lors de la mort de Lazare, Christ, en dépit de toutes les menaces, les avertissements, les dissuasions, voulait monter à Jérusalem peu avant la Pâque, Thomas alors s’exclama : « Allons-y aussi et mourons avec Lui ! » Ce n’était pas un tiède, mais un fidèle et un courageux.

A la spontanéité et à la simplicité de cet apôtre, nous devons une réponse fondamentale pour la vie spirituelle. Jésus avait parlé de la maison de Son Père où il y a beaucoup de demeures et où Il allait préparer aussi leur demeure … « Vous savez où je vais … » et Thomas l’interrompt et lui dit : « Seigneur nous ne savons pas où tu vas : comment pourrions-nous connaître le chemin ? » et le Christ notre Dieu répond : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie ! » ya put’ instina i jizn’ : Tout est dit ! C’est vrai, l’honnête Thomas avait été surpris et déconcerté …

II Mais en cette occurrence-ci …

C’était sitôt après la Crucifixion. Les apôtres étaient dans le trouble et l’affliction. Ils s’étaient réunis dans un lieu fermé « par crainte des Juifs ». Or voici que, toutes portes étant closes, Jésus fut avec eux, Il leur dit : « La Paix soit avec vous », leur montra Ses mains et Ses pieds, souffla sur eux et leur donna le pouvoir de remettre ou de retenir les péchés … Thomas n’était pas présent, mais quand les autres apôtres lui racontèrent qu’ils avaient vu le Seigneur, alors là l’humble patient et courageux Thomas ne suit plus ! « Si je ne vois pas la traces des clous, si je ne mets pas mon doigt dans les plaies, si je ne mets pas ma main dans Son côté, je ne croirais pas ! »

Il est vraiment « dépassé » … « Bloqué » dirions-nous même : il ne peut plus.

Pourquoi, bien-aimés Frères et Sœurs ?

Certes, Jésus était le Christ. Thomas en était convaincu … Mais là, il ne peut plus, parce qu’il se trouve en fait devant LA DIVINITÉ du Christ !

Vous avez entendu la suite : huit jours après, tous étant rassemblés et Thomas avec eux, les portes étant pareillement fermées, Christ fut à nouveau parmi eux  … « La Paix soit avec vous ! » et Il s’adresse à Thomas  : « Thomas, avance ton doigt …, ta main …et ne soit plus incrédule … ». Thomas s’exécute et s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » – ce que nous répétons après lui, des siècles après.

Lui, l’incrédule momentané, il a été le premier à reconnaître LA DIVINITÉ du Christ.

III Récit inoubliable, imprimé dans nos cœurs : le Christ n’était pas seulement un homme : Il était Dieu !Mais cet épisode évangélique, ce n’est pas seulement un fait historique ancien. TOUS LES DIMANCHES, Frères et Sœurs bien-aimés, VOUS LE VOYEZ ! A un certain moment de la Liturgie, après la Consécration et tout de suite après la récitation du Notre Père, avant : « Les choses saintes aux saints ! », vous le savez, on ferme le rideau du sanctuaire. TOUTES PORTES ÉTANT CLOSES, c’est la communion du clergé. Les diacres, le prêtre s’embrassent sur les épaules en disant : – « Christ est parmi nous », et la réponse est : « Il est et sera ! » Parce que le Christ est vraiment présent. Perceptiblement et invisiblement.

La chaleur aussi est perceptible et on ne la voit pas !

Ce n’est pas, pour votre clergé, la « peur des Juifs », mais l’accomplissement du commandement.

Mais tout de suite après, les portes s’ouvrent, et c’est vous les fidèles justement préparés qui recevez, visiblement et perceptiblement, le Corps et le Sang de Jésus-Christ.

Le Sanctuaire s’ouvre sur l’Église, comme l’Église sur le Monde, et c’est le Christ Dieu qui est avec nous !

Restons toujours avec Lui !

AMIN

 

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A l'issue de la Liturgie de Thomas, le clergé procède à la fraction de l'ARTOS. Il convient de rappeler la signification de ce rite et de ce Pain que nous nommons de son nom en langue grecque.

Quarante jours après la Résurrection, le Seigneur-Dieu est monté dans les cieux. Toutefois, les apôtres ont continué de se rassembler comme ils le faisaient auparavant pour prier et pour partager ensemble le repas. A la place désormais vide du Christ, ils posaient un Pain et, à la suite des apôtres, l’Église primitive - et il en est ainsi jusqu'à maintenant - a pris l'habitude de confectionner un Pain spécial le jour de Pâque. Ce Pain, signe de ce que notre Seigneur Jésus-Christ est notre PAIN DE VIE, a participé avec nous à toute la célébration pascale, a fait la procession avec nous, puis il est resté placé devant les portes royales ouvertes durant toute la Semaine Lumineuse en signe de la présence réelle et visible du Seigneur parmi nous.

Les morceaux de cet Artos distribués à la fin de la Liturgie ne doivent pas être consommés immédiatement, comme l'antidoron ou comme une prosphore habituelle. L'Artos doit être conservé soigneusement, tout comme l'eau bénite, et sera consommé à des moments particuliers de notre vie, maladies, épreuves en tout genre, à jeun et en disant « CHRIST EST RESSUSCITÉ ! » .

Protodiacre Germain

 

 

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