Ce dimanche nous célébrerons le 25° anniversaire de l’invention des reliques incorrompues de notre saint Métropolite PHILARÈTE le 10 novembre 1998, et nous vous proposons notre article rédigé alors pour cette occasion. L’EORHF était déjà secouée par des tentatives de trahison que nous nous refusions souvent de voir et avions beaucoup espéré que ce signe envoyé du Ciel puisse ramener chacun à la raison. Malheureusement, il n’en fut rien. Mgr Lavr, qui présidait ce culte, non seulement n’en tira aucun enseignement pour lui-même et ceux qui le suivaient dans la trahison, mais s’empressa de donner l’ordre de refermer le cercueil afin d’étouffer la manifestation massive de jubilation et d’actions de grâce qui auraient dû s’ensuivre, ramener la paix dans l’Église et chacun à la raison. Chacun connaît la suite des événements. Dix huit mois plus tard le Métropolite VITALY était évincé, Mgr Lavr usurpait son ministère à la tête de l’Église. A ce jour le saint Métropolite PHILARÈTE n’est toujours pas glorifié – ce qui est somme toute logique – dans cette fraction dissidente de l’EORHF qui a définitivement renié ses origines pour se soumettre au Patriarcat de Moscou.

Protod. G.I.-T.

 

Invention des reliques incorrompues

de S.B. le Métropolite PHILARÈTE

 

Le métropolite Philarète /Georges Nicolaévitch Voznessensky/, troisième Primat de l’Église Orthodoxe Russe Hors-Frontières, est né le 22 mars 1903 dans la ville de Koursk en Russie centrale, dans cette même cité qui fut illuminée par l’hodigitria de l’émigration russe, l’icône miraculeuse de Koursk, dont nous avons célébré en 1995 le 700° anniversaire de l’apparition. C’est dans cette même ville que, jusqu’à son récent et subit rappel à Dieu, le père Lev Lebedev, une autre colonne de l’Orthodoxie, accomplissait son ministère.

En 1920, le futur métropolite émigre avec ses parents à Kharbine, l’autre grand centre de l’émigration russe en Chine avec Shangaï, où il s’inscrit à l’Institut Polytechnique Russo-Chinois qu’il achève en 1927 avec le titre d’ingénieur électromécanicien. En 1931 il achève ses cours de théologie et la même année reçoit la tonsure monastique avec le nom de Philarète et est ordonné hiéromoine. En 1934 il est élevé à la dignité d’higoumène et en 1937 à celle d’archimandrite. En dépit de son jeune âge, il acquiert rapidement la réputation d’un pasteur particulièrement zélé et aimant, intrépide défenseur de la pureté de l’Orthodoxie. C’est à cette époque qu’il publie un Konspekt po Zakonu Bojiu (manuel d’instruction religieuse) pour des élèves de fin d’études secondaires, qui fut réédité en 1971.

La prise du pouvoir par les communistes chinois le surprend en 1950, mais il refuse d’émigrer une nouvelle fois tant que certaines de ses ouailles restaient à Kharbine. Ce n’est qu’en 1962, à la suite d’innombrables démarches du Synode, que le père Philarète pourra se rendre à Hong-Kong et, de là, retrouver une grande partie de ses anciens fidèles dans l’accueillante Australie. En 1963 il est élevé à l’épiscopat sur le siège de Brisbane. L’année suivante il est, comme tous les évêques, convoqué à se rendre à New-York pour participer au Concile épiscopal de notre Église devant pourvoir au remplacement du métropolite Anastase âgé de 91 ans. Alors que notre Église, après avoir été dirigée par deux éminentissimes hiérarques, à l’autorité et à la réputation incontestées bien au-delà des limites de l’Église Hors-Frontières - le métropolite Antoine /Khrapovitsky/ et le métropolite Anastase /Gribanovsky/ avaient tous deux été pressentis par le Concile Pan-Russe de 1917 pour occuper le siège de patriarche de Russie - se trouvait assurément à un tournant de son histoire, le choix particulièrement judicieux de nos évêques unanimes se porta sur l’évêque vicaire de Brisbane Philarète, le plus jeune, par son ordination, de tous les membres du Concile.

Dès son élection, le 14/27 mai 1964 en la fête de la mi-Pentecôte, le nouveau Primat montra combien était justifiée la confiance de ses confrères et combien il était un digne successeur des deux précédents Primats. Son premier acte de Protohiérarque fut de décider de procéder à la canonisation solennelle le 19 oct./1 nov. 1964 du saint et juste thaumaturge de toutes les Russies Jean de Cronstadt. Cette première glorification avec les saints fut suivie de celles, en 1970, de saint Germain d’Alaska, thaumaturge et missionnaire russe dans les îles Aléoutiennes et, en 1978, de la bienheureuse folle-en-Christ Xénia de Petersbourg qui était vénérée en Russie même depuis plus de deux siècles. Mais ce qui restera pour l’histoire l’œuvre majeure marquant le pontificat du métropolite Philarète, ce fut assurément la glorification solennelle en 1981 de la nuée des saints Nouveaux-Martyrs et Confesseurs de Russie et de la Famille Impériale Russe assassinée en 1918. Parallèlement à cet acte prophétique dont les répercussions se font sentir jusqu’à nos jours, le nom du métropolite Philarète entrera en lettres d’or dans l’histoire de l’Église pour son action décisive pour la défense de l’Orthodoxie contre les attaques multiples venant saper les fondements de notre sainte foi, et tout spécialement contre la pan-hérésie de l’œcuménisme, point d’orgue de toutes les hérésies qui secouent l’Église depuis vingt siècles.

L’anathème de l’œcuménisme, solennellement proclamé en 1983, fut précédé par toute une série d’actes et de documents de grande portée spirituelle et théologique respirant d’une audace proprement patristique. Lui, le plus humble des évêques, n’hésitait pas à interpeller dans deux Épîtres de douleur (1969 et 1972) l’ensemble des patriarches, métropolites, archevêques et évêques du monde orthodoxe, les mettant en garde contre les dérives pernicieuses qui s’imposaient dans certaines Églises locales et qui, à terme, pouvaient porter atteinte à l’intégrité doctrinale de l’ensemble de l’Orthodoxie. Ces Épîtres firent que le nom du métropolite Philarète devint chez tous les membres conscients de l’Église orthodoxe, et notamment au Mont Athos, le symbole de la confession contemporaine de l’Orthodoxie. À ceux qui dénonçaient son “rigorisme excessif”, voire ce qu’ils nommaient son “fanatisme”, il répondait : « J’ai suffisamment de raisons pour m’en tenir à mon point de vue, car j’ai pour cela des autorités éminentes … Ainsi, saint Grégoire le Théologien, la douceur faite homme avec un amour chrétien pour tous, en particulier pour les égarés. Cependant, il nous dit nettement qu’il ne convient pas de chérir toute forme de paix et qu’il ne faut pas redouter toute forme de division … Que faut-il penser du fait que de nombreux “orthodoxes” fréquentent sans distinction n’importe quelle église ? Tout simplement, que ces personnes n’attachent plus de prix à la vérité. C’est pourquoi elles ne se posent pas trop de questions. “À quoi bon se tracasser ? Ils célèbrent tous de la même façon, tout est pareil. Et puis, Dieu est partout le même !”, - ajoutent-ils immanquablement. Mais si les gens aimaient et tenaient à la vérité, pourraient-ils se contenter d’une telle indifférence ?! Non, et mille fois non ! Leur âme les ferait souffrir et elle ne pourrait retrouver son calme que lorsqu’elle verrait où se trouve réellement la vérité qui ne peut être qu’une, car il ne peut y avoir deux vérités » (Lettre du 9/12/1979 à la Mère higoumène Magdalena du monastère de Lesna). Pour justifier son intransigeance et son refus de tout compromis avec le Patriarcat de Moscou et les Églises “officielles” lourdement compromises dans l’œcuménisme et le modernisme, le métropolite Philarète aurait pu invoquer l’attitude et les paroles, publiées dans cette même livraison, de saint Marc d’Éphèse prononcées avant de mourir sur son propre patriarche de Constantinople. Notre actuel Primat, Mgr Vitaly, digne successeur du métropolite Philarète en tant que confesseur de l’unité et de l’unicité de l’Église, affirme à propos de l’anathème de 1983 : « En proclamant l’anathème contre l’œcuménisme, l’Église Russe Hors-Frontières a protégé son troupeau de cette tentation apocalyptique, mais elle a par là-même déposé sur la conscience de toutes les Églises Locales un problème des plus sérieux qu’il leur faudra, tôt ou tard, résoudre d’une façon ou d’une autre. De la réponse qui sera apportée à cette question dépendra leur destin spirituel ultérieur au sein de l’Église Orthodoxe Universelle ».

Ainsi, les actes posés par le métropolite Philarète d’éternelle mémoire apparaissent comme de véritables pierres d’angle pour toute conscience orthodoxe rigoureuse, et comme des pierres d’achoppement pour un grand nombre d’orthodoxes, et en tout premier lieu pour la hiérarchie du Patriarcat de Moscou. Le grand débat qui agite ce patriarcat, les demandes pressantes de la partie saine de ses membres ne sont-ils pas, précisément, la dénonciation de l’œcuménisme et la glorification pleine et entière des saints Nouveaux-Martyrs de Russie ? Et ce n’est pas un hasard si deux des décisions importantes prises lors de notre dernier Concile épiscopal au mois de mai dernier ont été de reconfirmer l’anathème de 1983 et de rappeler la position traditionnelle d’interdire toute relation, à quelque niveau que ce soit, avec le Patriarcat de Moscou tant que sa hiérarchie restera sur ses positions et refusera de faire pénitence.

Après vingt et une années passées à la tête de l’Église Russe Hors-Frontières, le métropolite Philarète s’est endormi dans le Seigneur le 8/21 novembre 1985, jour où l’Église célèbre le saint Archange Michel. Pour des raisons pratiques, mais qui se sont révélées providentielles, le corps du défunt Primat n’avait toujours pas de sépulture définitive et reposait dans la chapelle du cimetière du monastère de Jordanville. Le 3/16 novembre dernier, en prévision du 13° anniversaire de son repos, devait avoir lieu le transfert de son corps à son nouveau lieu de sépulture. L’ouverture du cercueil, effectuée par l’archevêque Lavr en présence de plusieurs prêtres, a manifesté ce signe extraordinaire de la bienveillance Divine pour Son serviteur fidèle : le corps entier, les vêtements, la mitre, le chapelet de couleur verte, jusqu’à la prière d’absolution, simple feuille de papier roulé posée dans la main étaient parfaitement intacts. Seuls les fermoirs métalliques du livre des Évangiles se sont réduits en poussière, prouvant, si besoin était, que la révélation extraordinaire de la non corruption du corps n’était pas due à des conditions atmosphériques particulières ou à quelque autre raison. Ce nouveau signe de Dieu donné à notre Église, notamment à une époque aussi troublée et après toutes les épreuves que nous avons connues ces derniers temps est une nouvelle marque de la miséricorde Divine pour nous pécheurs, une grâce exceptionnelle, imméritée, mais aussi et surtout une indication claire pour chacun de nous, un guide pour notre conduite dans les temps troublés que connaissent l’Église et le monde.

Ce numéro 23 de La Voie Orthodoxe devait être consacré à saint Marc d’Éphèse bien avant que nous n’apprenions l’extraordinaire nouvelle de l’invention du corps incorrompu du métropolite Philarète. De voir ainsi réunies en un même volume ces deux colonnes de l’Orthodoxie n’est certainement pas le fait du hasard, mais de la Providence. Nous voyons là une nouvelle illustration de ce que nous avions écrit à propos du grand théologien russe A.S. Khomiakov (1804-1860) : « Les Pères et Docteurs de l’Église relèvent moins d’une période que d’un esprit et il est tout à fait possible d’être de leur monde aujourd’hui, si l’on possède leur esprit, leur audace et leur amour de la vérité ».

Bienheureux métropolite Philarète, prie Dieu pour nous et pour ton Église, qu’Il la garde pour toujours sur la voie droite que tu avais tracée dans l’obéissance à tes deux glorieux prédécesseurs !

 

Protodiacre Germain Ivanoff-Trinadtzaty