Sixième Semaine après Pâque – Dimanche de l'aveugle-né

 

Jean IX, 1-38

 

Nous avons entendu aujourd'hui l'évangile selon saint Jean le Théologien, où notre Seigneur Jésus-Christ guérit un aveugle de naissance. Lorsque ce récit s'est achevé, le Seigneur a ajouté : « Je suis venu dans ce monde pour un jugement : pour que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles »/Jn IX, 39/. A cela, ses ennemis jurés les scribes et les pharisiens lui répondirent ironiquement : « Sommes-nous aveugles, nous aussi ? ». Et ils reçurent leur réponse. Le Seigneur leur dit : « Si vous étiez aveugles, vous n'auriez point de péché », car lorsque l'homme ne sait pas, ne comprend pas, il ne peut pas transgresser consciemment et il ne commet donc pas de grands péchés. Et si même il en commet, le Seigneur ne lui en tient pas rigueur, puisqu'il ne sait pas qu'il pèche. Et le Seigneur leur dit : « Si vous étiez aveugles, vous n'auriez pas de péché, mais puisque vous affirmez que vous voyez, votre péché reste sur vous » /Jn IX, 40-41/.

N'oubliez jamais cela : il s'agit là d'un jugement très sévère, car il est prononcé par Celui qui Seul peut absoudre ou condamner, et Il a dit aux scribes et aux pharisiens que leur péché restait sur eux. En revanche, notre Seigneur Jésus-Christ a accordé non seulement la vision physique, mais également spirituelle à l'aveugle de naissance. Ce faisant, nous voyons dans l’évangile combien les ennemis du Christ, par leur obstination, s'aveuglent de plus en plus en se confortant dans leur égarement.

Lorsque le Seigneur avait guéri l'aveugle, les gens lui demandèrent comment ses yeux s'étaient ouverts. Il répondit qu'il ne le savait pas. Il était aveugle, le Seigneur lui avait mis de la boue sur les yeux, puis il était allé se laver à la piscine de Siloé et avait recouvré la vue. On lui demanda : mais Qui est-Il ? Il répondit : je ne le sais. On le mena auprès des pharisiens qui se mirent également à le questionner. Une dispute s'en suivit : les uns disaient que cet Homme ne pouvait venir de Dieu, car Il n'observait pas le sabbat, c'est-à-dire la Loi. D'autres répliquaient : comment un pécheur pourrait-il faire de tels miracles ? A l'écoute de ces propos, la vérité s'imposait de plus en plus clairement à l'ancien aveugle, qui finit par leur dire : « Je vous l'ai déjà dit et vous n'avez pas écouté … est-ce que vous aussi vous voulez devenir Ses disciples ? » /Jn IX, 27/. Ils lui répliquèrent alors avec colère et méchanceté : « C'est toi qui es Son disciple, nous, nous sommes disciples de Moïse. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse, mais Lui, nous ne savons pas d'où Il est » /Jn IX, 28-29/.

Il n'y a pas si longtemps durant le Grand-Carême, dans la prière de saint Ephrem, nous demandions à Dieu avec instance : « Donne-moi de voir mes péchés ». Si nous demandons de voir nos péchés, c'est donc que nous ne les voyons pas comme il convient. C'est précisément du fait que ''nos yeux spirituels'' sont aveuglés. Les saints pères disent toujours que l'homme ne voit pas réellement ses propres péchés.

Nous avons déjà cité cet exemple tiré de la vie d'un ascète qui demandait à Dieu de lui montrer combien la nature humaine était détériorée par le péché. Lorsque sa prière fut exaucée, il faillit en perdre la raison et avec frayeur demanda au Seigneur d'écarter de lui cette vision. C'est dire à quel point la nature humaine est corrompue par le péché. C'est pour nous guérir de cette corruption que le Seigneur Jésus-Christ est venu, car aucune autre puissance au monde ne pouvait nous en délivrer. C'est précisément ce que de nos jours les différents réformateurs de vie, qui proposent chacun leurs solutions, ne peuvent comprendre. Ils oublient tous, ou plutôt ignorent, que l'homme est avant tout un être pécheur. C'est pourquoi le bienheureux Augustin disait que toute la différence entre les hommes est que les uns sont plus mauvais, et que d'autres le sont moins. Quant à nous, nous devons toujours garder en mémoire à quel point nous sommes pécheurs et corrompus par le péché et prier le Seigneur d'ouvrir les yeux de notre cœur, comme Il a ouvert les yeux charnels et spirituels de cet aveugle de naissance dont l’évangile d'aujourd'hui nous a parlé. Amen.

Saint Métropolite Philarète