La Rédaction : Paraissent concomitamment deux études sur l’Église Russe Hors-Frontières – celle de notre Primat, le Métropolite Agafangel, intitulé « De la canonicité de l’Église Orthodoxe Russe Hors-Frontières » et celle de Serge Kolesnikow, secrétaire de l'Association Cultuelle Orthodoxe Russe Saint Michel de Cannes, que nous présentons ci-dessous. Ces deux études, chacune à leur façon, poursuivent le même but : donner des réponses à ceux qui pourraient se poser des questions sur la canonicité de l’Église Hors-Frontières, ou plutôt qui seraient déstabilisés par des propos erronés, voire malveillants, concernant notre Église. Comme l'écrit le Métropolite Agafangel, la canonicité d'une Église dépend essentiellement de deux facteurs : 1) la rectitude doctrinale et 2) la succession apostolique de l'épiscopat. Aucun de nos contempteurs, même les plus retors, ne peut nier que notre Église réponde positivement à ces deux principes. La question devrait donc être close, mais alors où est le problème ? Nos détracteurs – et Dieu sait combien ceux qui suivent une voie étroite en ont – avancent alors comme argument-massue la non-reconnaissance de l'EORHF par les Églises de l'Orthodoxie dite officielle. Et, curieusement, cet argument parvient à ébranler certains. Et pourtant, un peu de curiosité devrait normalement amener les gens à s'interroger sur la raison de cette non-reconnaissance et de cette non-communion entre l'EORHF, ainsi qu'un grand nombre d'autres Églises, avec les représentants de l'Orthodoxie dite officielle. Il s'apercevraient alors que la raison est à la fois canonique et doctrinale. Pour autant, l'EORHF ne nie pas qu'il puisse – Dieu soit loué ! – y avoir dans ces Eglises de très bons pasteurs, de très bons moines, toutefois, selon saint Justin /Popovic/ l’Église est épiscopocentrique. Et est le problème. Les Églises dans la mouvance du Patriarcat de Constantinople sont durement atteintes par le modernisme et l’œcuménisme. Le Patriarcat de Moscou (tout comme les Églises satellites de l'Est) a été pendant des décennies prisonnier d'un pouvoir athée, mais alors que le peuple souffrait cruellement, l'épiscopat servait de caution et de courroie de transmission du pouvoir, ce qui lui permettait de vivre une captivité douce. Le pouvoir soviétique est tombé. En principe. Le Patriarcat brille toujours par son servilisme, maintenant à l'égard du nouveau pouvoir, mais surtout l'incroyable chute morale de son épiscopat fait que l'autorité de l'Eglise est au plus bas aux yeux du peuple russe qui ne supportait déjà plus de voir que la condition épiscopale était devenue un business lucratif, mais voilà que depuis 4 mois un scandale sans pareil, concernant le comportement contre-nature d'un certain nombre d'évêques et responsables religieux, éclabousse le Patriarcat sans qu'aucune mesure ne soit prise pour assainir la situation. Il est d'ailleurs curieux de constater combien les sites patriarcaux en France, notamment le blog « Parlons d'Orthodoxie », pourtant si prompts à réagir sur toute information, sont sur ce point d'un silence digne d'une meilleure cause.

Cela devrait permettre de relativiser les condamnations de non-canonicité portées par certains à l'encontre de l'EORHF, qui ne fait que suivre la ligne exprimée par le saint Néo-martyr Métropolite Kirill de Kazan, locum-tenens du trône patriarcal nommé par le saint Patriarche Tikhon, expliquant sa rupture avec le métropolite Serge /Stragorodsky/ auteur de la Déclaration de loyauté à l'égard du pouvoir soviétique : « Je ne me sépare de rien qui soit saint, ou authentiquement religieux ; je crains seulement d'adhérer à ce que je considère être dans son essence un péché et c'est pourquoi je m'abstiens de toute communion fraternelle avec le métr. Serge et les évêques qui le suivent ». Que chacun fasse en conscience le choix avec qui il veut être : avec le saint Métropolite Kirill de Kazan ou avec son homonyme contemporain Kirill Gundiaev de Moscou.

Protod. Germain



L’Église Russe Hors-Frontières présidée par

                                                  le Métropolite AGAFANGEL

 

Martyre et éclatement historique de l’Église Russe depuis la révolution

À la Révolution d’Octobre 1917 triomphent momentanément les forces obscures qui veulent anéantir la civilisation chrétienne. Dès 1922 les bolcheviks commencent à massacrer en masse le clergé, et la Sainte Russie se noie dans le flot du sang des martyrs. Le Métropolite Benjamin de Petrograd déclare avant d’être fusillé que pactiser avec les bolcheviks pour espérer sauver l’Église revient à ne pas croire au Christ. En effet, protégée par Dieu elle a reçu une promesse : "sur cette pierre je bâtirai mon Église et les Portes de l’Hadès ne prévaudront pas contre elle" (Matthieu XVI.18). Le peuple russe, profondément attaché à l’orthodoxie, ne mord pas à l’hameçon de "l’Église Vivante" créée de toutes pièces par Lénine pour contrôler les croyants et faire dépérir l’Église. Le peuple continue de suivre le Patriarche Tikhon, élu en 1917 lors du rétablissement du Patriarcat. Les Rouges font alors disparaître le Patriarche Tikhon en 1925 et installent une marionnette à la tête de la véritable Église, qu’ils ont décapitée ; c’est le Métropolite Serge, un ancien de "l’Église Vivante", le seul à accepter, après un séjour en prison, de faire allégeance aux Valeurs du régime communiste, en 1927, croyant pouvoir rester innocent, à l’encontre des paroles mêmes du Christ : "nul ne peut servir deux maîtres" (Matthieu VI 24). Pendant ce temps, le chef légitime de l’Église Russe, le Métropolite Pierre, croupit au Goulag, où la nouvelle de la capitulation honteuse de Serge soulève une vague d’indignation. Pierre sera finalement fusillé en 1937 pour avoir refusé, jusqu’au bout, de servir les desseins sataniques des bolcheviks. C’est depuis Serge que, sans interruption aucune, tous les patriarches de Moscou ont été nommés par l’intermédiaire de dirigeants civils et athées, ce qui les rend illégitimes.

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L’Église Russe Hors-Frontières, EORHF, est la partie libre de l’Église Russe

Mais, pressentant l’incompatibilité radicale entre la foi chrétienne et la dictature des serviteurs du diable, le Patriarche Tikhon, dès 1920, avait béni par son Oukase n°362 la réorganisation de l’Église russe à l’étranger, en conformité avec le 6ème Concile Œcuménique de 681, qui permet à une Église menacée dans son pays par des infidèles de fuir à l’étranger, ce qui arrivera plusieurs fois dans l’histoire de l’orthodoxie. Ainsi fut créée en 1921 par le Métropolite Antoine (Khrapovitski) à Sremski-Karlovtsy, en Serbie, la branche libre de l’Église Orthodoxe Russe, avec 34 évêques. L’Église Russe comporte alors trois branches : la branche de l’Église Orthodoxe Russe Hors Frontières (EORHF), puis la branche secrète de l’Église des Catacombes, enfin une troisième branche, malade, celle des croyants abusés par le Siège officiel de Moscou, occupé par un usurpateur. Comme l’écrira le vénéré St Jean de Shangaï, le monde orthodoxe dans son universalité reconnut l’EORHF comme Église-sœur lors de sa création. Depuis elle a maintenu vaillamment la flamme de l’orthodoxie russe inaltérée en Occident sous l’autorité des Saints Métropolites Antoine, Anastase, Philarète et Vitaly, ce dernier décédé en 2006. Elle ne s’est jamais séparée de l’Église russe : ELLE EST une partie de l’Église russe !!! À présent c’est Monseigneur Agafangel qui la représente. Elle témoigne fidèlement, comme aux premiers jours, donnant espoir à tous les orthodoxes russes opprimés. Elle est pauvre, méprisée, diffamée, mais belle, forte et authentique. Cette réalité tout le monde la connaît. Les vraies questions portent en fait sur trois points…

 Avec la chute de l’URSS en 1991 le Patriarcat de Moscou est-il enfin libre ?

Le premier point c’est la chute de l’URSS. Depuis, le moment n’est-il pas venu de la réconciliation ? Sur le strict plan ecclésial, rien n’a changé, hélas : Le Patriarcat de Moscou reste paradoxalement la seule structure soviétique toujours debout. Loin de demander le pardon de leurs fautes et de leurs crimes, les évêques en place cherchent à présent à effacer toute trace de leur collusion passée avec le KGB. En Russie, après avoir œuvré à la destruction de la Foi en servant le régime bolchevik, ils travaillent à présent à transformer la religion en un opium du peuple pour contenter les vues nationalistes du nouveau pouvoir. Leur motivation, c’est la vanité du monde et souvent, comme Judas, c’est l’argent ; ils sont les Borgia de la Russie. Au dehors, les stratèges politiques du Département des Relations Extérieures du Patriarcat de Moscou déploient toutes les armes de la corruption et de la séduction pour infiltrer l’EORHF. Après son putsch contre Monseigneur Vitali en 2001, préparé en secret et de longue date avec le Patriarcat de Moscou, Mgr Laure prend la tête d’une fraction des fidèles Hors Frontières et les conduit, le 17 mai 2007, à s’unir au Patriarcat de Moscou. Il décède en 2008, depuis c’est Mgr Hilarion (Kapral) qui les représente. Pour les paroissiens abusés le réveil est douloureux : ils ont été dissous dans le Patriarcat de Moscou et ils ont contribué à affaiblir l’EORHF. Monseigneur Agafangel, qui fédère l’Église Russe Hors Frontières légitime, est devenu l’homme à abattre, par la calomnie. D’où l’accusation de non canonicité, pitoyable de la part de pseudo évêques installés par le pouvoir civil et dont l’ordination est de ce fait invalide selon le 3ème canon du 7ème Concile Œcuménique de l’Église du Christ.

Pourquoi l’EORHF est-elle rejetée, isolée du "plérôme de l’orthodoxie" ? 

La deuxième question porte sur l’isolement de l’EORHF, son rejet actuel par la plupart des Églises Orthodoxes. Là encore il faut revenir à l’histoire. Dans les années 1920, pendant que le mouvement œcuméniste se développe en Occident, un mouvement moderniste touche la Grèce ainsi que la deuxième Rome ; en 1924 le Patriarche Grégoire VII de Constantinople choisit de reconnaître "l’Église Vivante" et d’interdire la commémoration de Monseigneur Tikhon… Cette même année la réforme du calendrier fracture le monde orthodoxe grec, à l’intérieur même des nations, ce qui dure toujours. De son côté, après la deuxième guerre mondiale, Moscou fait rompre la communion entre l’EORHF et les Églises orthodoxes européennes grâce à sa mainmise totale sur les "Démocraties Populaires" des pays de l’Est. Dans le monde libre, le KGB utilise les armes de la politique, de la corruption et de la désinformation pour isoler l’EORHF ; il décide en 1961 l’adhésion du Patriarcat de Moscou au Conseil Œcuménique des Églises, qui lui sert à relayer sa diplomatie. C’est ainsi que le Kremlin parvint à couper l’EORHF des Patriarcats d’Alexandrie et d’Antioche, qui suivirent Constantinople dans son penchant pour l’œcuménisme… Hélas, si le dialogue fraternel entre religions est un devoir, en revanche l’idéologie œcuméniste, elle, verse dans l’hérésie en posant que la vérité n’existe pas, mais se trouve éclatée entre les différentes religions. Finalement l’EORHF, restée fidèle à l’orthodoxie, n’était plus en communion eucharistique qu’avec l’Église Russe des Catacombes, les Vieux Calendaristes Grecs, les Patriarcats de Serbie, de Jérusalem, du Mont Sinaï et quelques autres. Trop dangereux encore pour Moscou : lors de l’implosion de l’URSS, de nombreuses paroisses, un moment libres, choisissent de passer sous l’obédience de l’EORHF.  Le Patriarcat et le KGB les reprennent par la force. Au dehors, ils réussissent le noyautage de l’EORHF, en s’appuyant sur les évêques Marc et Laure, d’où l’union de 2007. Du coup, c’est la Serbie, bernée à son tour, qui se détache, en 2010. Ainsi Monseigneur Agafangel, dont les paroisses sont dispersées sur le Continent américain, en Europe et en Russie pour l’essentiel, se trouve-t-il aujourd’hui effectivement coupé de très nombreuses Églises orthodoxes, hélas passées au schisme. Mais l’EORHF attaquée, vilipendée, tient bon avec sa douceur évangélique, sa fermeté sur la Foi, et poursuit sa route. Elle attend le retour à la raison des âmes séduites par l’hérésie œcuméniste, une prise de conscience en Occident où certains redécouvrent leurs racines orthodoxes, et surtout le discrédit des usurpateurs du Patriarcat de Moscou, dont le peuple russe ne veut plus.

Vaincre le scandale de la division religieuse au sein de l’émigration russe

Le dernier point porte sur les courants de l’Église Russe à l’étranger. L’EORHF, entend-on souvent, aurait fait scission par rapport à Mgr Euloge. Revenons encore et toujours à l’histoire. Depuis 1922, les bolcheviks cherchent à abattre l’Église et à la diviser. Ils parviendront d’abord à abuser Monseigneur Euloge, nommé (cf p305 de ses Mémoires) diocésain pour l’Europe Occidentale par le Métropolite Antoine, le chef de la Haute Administration Ecclésiale Russe à l’Étranger. Le 5 mai 1922 Mgr Euloge reçut un document, signé de Mgr Thadée du Synode de Moscou, stipulant que le Patriarche Tikhon (alors emprisonné au monastère Donskoï), lui confiait directement, à lui Euloge, tous les pouvoirs et supprimait cette Haute Administration. Personne, ni en Russie ni au dehors, ne prit au sérieux ce décret du Patriarche, arraché sous la pression du pouvoir athée ainsi que le reconnut Monseigneur Euloge lui-même. Chacun comprenait qu’il s’agissait d’une manipulation des bolcheviks et de leur bras armé le Guépéou. Néanmoins, par respect pour le Patriarche, le Métropolite Antoine décida de dissoudre la Haute Assemblée et de créer, toujours sur la base du décret n°362, une nouvelle structure : l'EORHF, telle qu'elle existe jusqu'à ce jour. Hélas plusieurs années plus tard Mgr Euloge allait s’appuyer sur ce même "décret" du 5 mai 1922 pour étayer son indépendance vis-à-vis de l'EORHF. Toute sa vie Mgr Euloge fut particulièrement hésitant : "je voulais, sans être soumis au pouvoir soviétique et tout en restant indépendant, trouver une ligne de conduite qui me permettrait de ne pas rompre avec Moscou", (Mémoires p512). Finalement Monseigneur Euloge se détacha de l’EORHF en 1926. Il soutint le Métropolite Serge de Moscou de 1927 à 1930, mais lorsque ce dernier lui ordonna de nier l’existence des persécutions religieuses en URSS, Mgr Euloge ne put s’y résigner. Le Métropolite Serge le révoqua et Mgr Euloge décida alors de passer sous l’obédience de Constantinople en 1931. C’est ainsi que fut cassée l’unité de l’Église Russe de l’émigration. Aujourd’hui cette partie de l’Orthodoxie Russe émigrée (l’Archevêché Russe de Paris) se retrouve laminée par le rouleau compresseur de l’Église de Moscou, qui ayant déjà idéologiquement contrôlé l’Institut St Serge, s’est accaparée en 2011 la Cathédrale de Nice (après avoir échoué devant Biarritz en 2006) et est en train d’avaler la Cathédrale de la rue Daru. Fasse le Ciel que Monseigneur Job, nouvellement élu en 2013, saisisse cette occasion de reprendre le combat spirituel à mener pour rester libre de la mainmise du Patriarcat de Moscou. Et pourquoi ne pas imaginer alors une reprise du dialogue, interrompu depuis 1935, entre l'Archevêché russe de Paris et l'EORHF ? C’est le destin de l’émigration russe de réimplanter l’orthodoxie en Europe. La triste expérience de Mgr Laure a montré l’impasse de l’Union avec Moscou et le triste sort de la Cathédrale de Nice préfigure l’avenir de l’Archevêché de Paris sous l’omophore de Constantinople. Le Patriarche Bartholomée est coincé entre l’enclume du gouvernement turc (dont il dépend et qui cherche à l’expulser), et le marteau du Patriarcat moscovite qui le protège (grâce au rapprochement entre la Turquie et la Russie depuis les années 2000) pour mieux le neutraliser. Heureusement l’EORHF reste parfaitement libre, c’est son devoir de parler, ce qu’elle fait depuis qu’elle existe, avec une tranquille sérénité. Par les prières de la très Sainte Mère de Dieu, puissent les morceaux épars de la Sainte Église Orthodoxe Russe retrouver leur unité ! Accorde Seigneur.