Les Coryphées des Apôtres Pierre et Paul
Bien-aimés frères et sœurs en Christ,
Aujourd’hui, l’Église célèbre avec une grande joie la mémoire des deux saints apôtres Pierre et Paul. Deux hommes très différents, aux chemins très contrastés, mais unis dans un seul amour, une seule foi pour notre Seigneur Jésus-Christ. Saint Jean Chrysostome disait :
« Pierre et Paul sont les chefs de l’armée du Christ, les yeux du corps de l’Église, les oreilles spirituelles, la langue de la prédication, les piliers de la vérité. »
Célébrer leur mémoire, ce n’est pas seulement se souvenir de leurs exploits ou de leurs écrits, mais c’est entrer dans leur exemple, réfléchir sur leurs différences, et surtout imiter leur unité dans le Christ.
Saint Pierre, pêcheur de Galilée, fut le premier à confesser que Jésus est « le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Matthieu 16:16). Il fut témoin de la Transfiguration, marcha sur les eaux, mais aussi renia le Christ par peur, avant d’être rétabli par l’amour et la miséricorde de son Maître. Il prêcha aux Juifs, à Jérusalem, à Antioche, jusqu’à Rome. Il accomplit de nombreux miracles, et sa prédication convertit des foules entières.
Saint Paul, lui, persécutait l’Église avec zèle. Mais sur le chemin de Damas, il fut renversé par la lumière du Christ et transformé en « Instrument choisi » (Actes 9,15). Il devint l’Apôtre des nations, voyageant sans relâche, fondant des Églises, écrivant des lettres inspirées qui sont devenues la charpente théologique de l’Église. Il souffrit naufrages, prisons, flagellations, mais garda la foi jusqu’à la mort.
Il est impressionnant de voir à quel point ces deux piliers de l’Église sont différents à presque tous les niveaux. Le Seigneur ne les a pas choisis parce qu’ils étaient semblables, mais pour montrer que la grâce peut unir les cœurs au-delà des contrastes humains. Ces différences, loin d’être un frein, ont été utilisées par Dieu comme des instruments précieux dans l’accomplissement de son salut.
Pierre a connu Jésus dans la chair. Il a vécu à Ses côtés, marché avec Lui, mangé avec Lui, entendu Ses paroles et vu Ses miracles. Il L’a suivi dès les premiers jours de Son ministère. Paul, au contraire, n’a jamais vu le Christ pendant Sa vie terrestre. Il Le rencontre dans la lumière fulgurante du chemin de Damas, et connaît Jésus dans la gloire après Sa Résurrection. Cela montre que le Christ peut appeler à travers la proximité visible ou par une rencontre mystique. Les deux chemins sont saints, car c’est le même Seigneur qui appelle.
Pierre était plus âgé que Paul. Il était déjà un homme mûr au moment de sa vocation. Paul était plus jeune, dynamique, dans la vigueur intellectuelle et physique de l’âge adulte. Ce contraste nous enseigne que le Christ ne regarde pas l’âge, mais la disposition du cœur.
Pierre était un homme simple, un pêcheur. Les Actes des Apôtres soulignent qu’il était « sans instruction » (Actes 4:13). Paul, lui, avait reçu une éducation rigoureuse auprès du rabbin Gamaliel, l’un des plus éminents docteurs de la Loi juive. Il maîtrisait la Torah, la rhétorique grecque, et la logique. L’Évangile s’adresse ainsi aussi bien à l’intellectuel qu’à l’humble ouvrier.
Pierre était un Juif galiléen sans statut particulier. Paul, lui, était citoyen romain de naissance (Actes 22:28), un privilège rare pour un Juif. Cela lui donna accès à de nombreuses opportunités de mission et de protection légale. Mais tous deux, indépendamment de leur passeport terrestre, devinrent citoyens du Royaume des cieux.
Pierre était marié, comme le montrent les Évangiles en parlant de sa belle-mère (Matthieu 8:14). Paul, quant à lui, était célibataire, et il considérait son état comme un moyen de se consacrer totalement au Seigneur (1 Corinthiens 7:7). Ces deux vocations – le mariage sanctifié et la vie monastique – sont toutes les deux des chemins vers la sainteté quand elles sont vécues dans le Christ.
Pierre et Paul ont tous les deux subi le martyre, mais dans des circonstances différentes. Pierre fut crucifié, mais demanda à l’être tête en bas, ne se jugeant pas digne de mourir comme son Maître. Paul, en tant que citoyen romain, fut décapité. Leur mort fut différente, mais leur témoignage commun est scellé par le sang versé par amour pour le Christ.
Et pourtant, malgré ces différences si nombreuses, ces deux apôtres sont fêtés ensemble, honorés ensemble, vénérés ensemble. Pourquoi ? Parce qu’ils sont unis dans l’essentiel : leur foi, leur amour, leur totale consécration à Jésus-Christ. Et comme l’enseigne la tradition, ils ont tous les deux trouvé leur couronne à Rome, cette ville païenne qui devint par leur sang une des cinq capitales spirituelles du christianisme du moyen âge.
Saint Jean Chrysostome dit : « Ils ont brillé plus que le soleil, non par leur naissance mais par leur zèle, non par leur parole mais par leur vie, non par leur autorité mais par leur charité. »
Leurs existences ont été profondément transformées. Pierre, l’impulsif, le peureux, est devenu ferme comme un roc. Paul, le persécuteur zélé, est devenu l’évangéliste infatigable. Ils sont la preuve vivante que nul n’est trop faible pour servir le Christ, et que la grâce transforme même le péché en tremplin vers la sainteté.
Dans la Sainte Écriture, le changement de prénom est toujours un acte chargé de sens spirituel. Il marque un tournant décisif, un appel, une transformation intérieure, mais surtout l’entrée dans une mission donnée par Dieu. Par exemple, Abram devient Abraham : de « père élevé » il passe à « père d’une multitude de nations » (Genèse 17:5). Jacob devient Israël : de « qui suit » à « Dieu s’est montré fort » (Genèse 32:29). De même, les deux grands apôtres ont reçu un prénom nouveau.
Simon est un prénom hébraïque courant qui signifie « Dieu a entendu ma souffrance ». Ce prénom reflète bien l’homme charnel et spontané qu’il était au début : impulsif, parfois faible, mais aussi attentif et prompt à répondre. Le Christ lui donne le nom de Pierre – en grec Petros, et en araméen Képhas, ce qui signifie « rocher » ou « pierre » (Jean 1:42). « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Matthieu 16:18)
Ce changement indique : sa solidité future dans la foi, malgré ses chutes passées (notamment son triple reniement), sa mission de fondement visible de l’Église et son rôle pastoral : confirmer ses frères dans la foi. Ce n’est donc pas Simon, l’homme fragile, que le Christ établit comme fondement, mais Pierre, l’homme transformé par la grâce. Comme dit Saint Jean Chrysostome : « Ce n’est pas la chair et le sang qui ont révélé à Simon sa vocation, mais le Père céleste. Il est donc digne d’être appelé pierre, car sa foi est ferme. »
Saül, comme le premier roi d’Israël, est un prénom royal hébraïque qui signifie « demandé, désiré ». Il porte ce prénom alors qu’il persécute l’Église avec zèle. Il est puissant selon la chair, reconnu, instruit. Mais après sa conversion, il prend le prénom de Paul, Paulus en latin, qui signifie « petit, humble ». Ce n’est pas un changement donné explicitement par le Christ, mais que Paul lui-même adopte dès sa mission vers les païens (Actes 13:9). Ce nouveau prénom exprime : son abaissement volontaire devant la grandeur du Christ, sa disponibilité à être un simple serviteur : « car, quand je suis faible, c’est alors que je suis fort » (2 Corinthiens 12:10) et aussi son universalité : « Paul » est un nom latin, accessible aux païens, reflet de sa vocation d’apôtre des nations. Saint Augustin commente : « Il a changé son nom pour ne pas porter celui d’un roi orgueilleux, mais d’un apôtre humble. »
Leur amour pour le Christ est redoutable. Après la troisième fois que Jésus lui demande « M’aimes-tu ? » Pierre confesse : «Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime.» (Jean 21:17).
Paul s’écrie : « L’amour du Christ nous presse » (2 Corinthiens 5:14) et « rien ne pourra nous séparer de l’amour du Christ » (Romains 8:35).
Ils aiment le Christ plus que leur propre vie, et leur amour est plus fort que la mort.
Frères bien-aimés, nous aussi sommes différents : par notre culture, notre langue, notre tempérament, notre parcours. Il y a parmi nous des Simon, des Paul, des jeunes, des anciens, des mariés, des célibataires, des savants, des humbles. Mais ce qui nous unit, ce n’est ni notre passé, ni notre rang, ni notre opinion : c’est notre amour pour le Christ.
Saint Basile le Grand disait : « Là où est l’amour du Christ, là est l’unité. » L’unité dans l’Église ne vient pas de l’uniformité, mais de l’amour.
Frères et sœurs, en ce jour lumineux, regardons les Saints apôtres Pierre et Paul.
Imitons leur foi, leur courage, leur humilité, leur amour. Acceptons nos différences, mais trouvons notre unité dans la Croix et la Résurrection de notre Seigneur. Puissions-nous, comme eux, vivre pour le Christ, mourir en Lui, et trouver son royaume céleste dans les siècles des siècles.
Par les prières des saints apôtres Pierre et Paul, Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, aie pitié de nous. Amen.
Père Zhivko Zhelev