La parabole du grand dîner
(Luc 14, 16-24)
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen.
Frères et sœurs bien-aimés,
L’Évangile que le Seigneur nous donne aujourd’hui est à la fois lumineux et redoutable. Lumineux, parce qu’il nous révèle la générosité infinie de Dieu. Redoutable, parce qu’il nous montre jusqu’où peut aller le refus silencieux du cœur humain.
Le Christ nous parle d’un homme qui prépare un grand dîner et qui invite beaucoup de gens. Tout est prêt. Rien ne manque. Le repas est préparé, la table est dressée, l’heure est venue. Cette image nous révèle le mystère du Royaume de Dieu, mais aussi la réalité de notre vie spirituelle aujourd’hui. Dieu n’est pas un Dieu lointain, qui hésite ou qui retarde. Il est Celui qui appelle, qui invite, qui attend.
Mais ce qui frappe dans cette parabole, ce n’est pas tant la générosité de l’invitation que la réponse des invités. Tous, sans exception, commencent à s’excuser. Et leurs excuses sont raisonnables, humaines, presque respectables. Un champ à visiter, des bœufs à essayer, un mariage à honorer. Rien de scandaleux. Rien de clairement pécheur.
Et pourtant, c’est précisément là que se cache le drame. Le refus de Dieu ne se fait pas toujours par la révolte ou par l’athéisme déclaré. Très souvent, il se fait par l’occupation, par la distraction, par le report constant de ce qui est essentiel. Dieu est reconnu, mais Il n’est plus prioritaire.
La parabole nous met face à une vérité difficile à accepter : on peut vivre une vie extérieurement correcte, remplie de responsabilités légitimes, et pourtant passer à côté du Royaume. Non pas parce que Dieu nous rejette, mais parce que nous avons toujours quelque chose de plus urgent que Lui.
Le Seigneur ne condamne ni le travail, ni la famille, ni les biens matériels. Ce qu’Il révèle, c’est le danger de laisser ces réalités prendre la place de Dieu dans notre cœur. Lorsque ce qui est bon devient absolu, alors il nous ferme à ce qui est éternel.
Lorsque le maître de la maison apprend le refus de ses invités, il ne change pas de projet. Le dîner n’est pas annulé. La table reste dressée. Mais les invités changent. Ce sont désormais les pauvres, les estropiés, les aveugles, les boiteux qui sont appelés. Ceux qui n’ont rien à présenter. Ceux qui savent qu’ils ont besoin d’être invités. Ceux qui n’ont pas d’excuses à offrir.
Cela nous révèle une loi spirituelle profonde : le Royaume s’ouvre plus facilement à ceux qui reconnaissent leur pauvreté intérieure. Non pas parce qu’ils sont meilleurs, mais parce qu’ils attendent tout de Dieu. Le cœur rassasié de lui-même n’a plus de place pour recevoir.
Mais même après cela, le maître veut encore remplir sa maison. Il envoie son serviteur au-dehors, sur les chemins, aux marges, pour appeler ceux qui n’auraient jamais imaginé être invités. Dieu ne se résigne pas à une maison à moitié vide. Il veut que tous entrent, que tous vivent, que tous soient sauvés.
Frères et sœurs, cette parabole n’est pas seulement une leçon morale. Elle est une parole adressée à l’Église aujourd’hui. Chaque Divine Liturgie est ce grand dîner. Chaque appel à la prière, à la repentance, à la communion est une invitation personnelle du Seigneur. Et chaque fois, une question nous est posée, non avec des mots, mais dans le silence du cœur : vais-je répondre, ou vais-je m’excuser ?
Il ne s’agit pas de tout quitter extérieurement, mais de remettre Dieu à la première place intérieurement. Il ne s’agit pas de mépriser ce monde, mais de refuser qu’il nous rende sourds à l’appel de l’éternité.
La parole finale de la parabole est sévère : ceux qui ont été invités et qui ont refusé ne goûteront pas au dîner. Ce n’est pas une menace, c’est un constat. Dieu ne force pas l’homme à entrer dans la joie. Il respecte notre liberté, même lorsqu’elle nous conduit à rester dehors.
Aujourd’hui encore, le Seigneur nous appelle. Le banquet est prêt. La porte est ouverte. Rien ne manque, sinon notre réponse.
Demandons au Seigneur un cœur disponible, un cœur éveillé, un cœur humble. Demandons-Lui de nous libérer de ces excuses intérieures qui nous semblent raisonnables, mais qui nous éloignent de Lui. Et que nous puissions, non pas seulement entendre l’invitation, mais nous lever et entrer, pour goûter dès maintenant à la joie du Royaume. Amen.
Prêtre Zhivko Zhelev