Saint Grégoire Palamas

 

Le deuxième dimanche du Grand-Carême, en plus de la célébration dominicale, l'Eglise orthodoxe se souvient d'un des grands hiérarques et confesseur de la pure Orthodoxie, saint Grégoire Palamas qui était archevêque de la ville de Thessalonique.

Saint Grégoire appartenait au nombre de ces grands propagateurs de la vérité chrétienne pour lesquels la vie et les actes ne divergeaient pas : il enseignait tant par sa parole que par sa propre vie. Il eut à lutter contre des hérétiques qui par toutes sortes de façons altéraient la vérité de l'Orthodoxie.

Il y avait une question purement théologique au sujet de laquelle il dut mener un long combat contre ceux qui trahissaient la vérité. Lorsque notre Seigneur Jésus-Christ s'était transfiguré sur le mont Thabor et avait resplendi « comme le soleil », ces derniers assuraient que cette lumière miraculeuse était une lumière ordinaire, semblable à celle que nous voyons constamment émanant du soleil et d'autres sources de lumière, et que c'était donc une lumière habituelle.

A cela Grégoire Palamas répliquait et enseignait qu'il s'agissait d'une lumière d'un tout autre ordre et il mentionnait les paroles de l'apôtre « Dieu est lumière, et il n'y a point en Lui de ténèbres ». Notre Symbole de la Foi, comme vous le savez, parlant du Fils de Dieu, de notre Seigneur Jésus-Christ et de Son Incarnation sur terre, dit qu'Il est « Lumière de Lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ». Alors que, parlant de la lumière habituelle, la Bible nous dit qu'elle n'est pas inhérente à Dieu, mais créée par Lui : « Et Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut ». Et en fin de compte, la position purement orthodoxe de Grégoire triompha et ses ennemis furent confondus.

On entend souvent dire aujourd'hui qu'il s'agissait là d'une question théologique abstraite. Pour nos contemporains, les vérités d'ordre spirituel se rapportant à ce qui est éternel et invisible, intéressent malheureusement peu de monde.

Aujourd'hui, lorsque nous observons la vie autour de nous, nous ne pouvons que constater combien nos contemporains ont des vues erronées sur la vérité chrétienne, même parmi ceux qui sincèrement se disent être de fidèles chrétiens orthodoxes. Ils n'ont en réalité de l'Orthodoxie que de très vagues idées, parfois même ils n'en ont aucune, mais malheureusement ils n'hésitent pas à disserter sur la vie religieuse, la théologie, comment doit vivre l'Eglise, comment il convient de la diriger. Et plus ils sont ignorants dans ce domaine, plus ils manifestent d'assurance et d'aplomb … Le saint apôtre Paul disait déjà que les gens veulent enseigner, alors que bien souvent ils ne savent ni ne comprennent ce dont ils parlent.

En revanche, lorsque résonne la voix de la Vérité, ils ne veulent pas l'entendre.

Du vivant de saint Grégoire Palamas, les temps étaient différents : tout ce qui se rapportait à la vérité de l'Orthodoxie provoquait un vif intérêt chez les gens, cela était proche de leur âme et de leur coeur et ce n'étaient pas pour eux des questions abstraites. Le chrétien, lorsqu'il est confronté à un enseignement quelconque, doit toujours le vérifier à l'aune de la Vérité chrétienne. Tout ce qui nous amène au Christ est véridique et béni, et tout ce qui nous éloigne du Christ et de l'Orthodoxie n'est que mensonge funeste, de quelques atours séduisants ne soit revêtu ce mensonge. Souvenez-vous toujours que tout ce qui nous éloigne du Christ notre Sauveur, de Son enseignement et de l'Orthodoxie véritable n'est que confusion pernicieuse menant à la mort. C'est pourquoi, âme chrétienne, dis-toi fermement et une fois pour toutes : « Je n'accepte aucun enseignement autre que celui du Christ et je ne connais et je ne veux connaître aucun autre Maître si ce n'est le Christ-Sauveur. » Amen.

Saint Métropolite PHILARÈTE

Triomphe de l'Orthodoxie

 

L'Église orthodoxe célèbre solennellement ce jour consacré précisément à notre foi orthodoxe, jour que nous nommons « Triomphe de l'Orthodoxie ». L'Église célèbre sa victoire sur tous ses ennemis qui depuis deux millénaires s'étaient levés contre elle et son enseignement.

La voie suivie par l'Église a été difficile, pleine de tristesse et de douleur, ce fut un réel chemin de croix, qui se poursuit de nos jours. Mais véridique est la parole de Son Divin Fondateur, Qui a dit que sur la confession de l'apôtre Pierre – Tu es le Fils du Dieu Vivant – sur cette foi, sur la pierre de cette confession, Il fondera Son Église et les portes de l'enfer, c'est à dire tous les efforts des puissances obscures infernales, ne prévaudront pas contre elle.

Et ces forces obscures infernales se sont abattues sur elle dès les premiers temps. D'abord par les Juifs infidèles, les scribes et les pharisiens, les membres du Sanhédrin tous ennemis du Christ. Lorsqu'ils virent que le christianisme se répandait et se développait toujours plus, ils se sont mis à inciter le pouvoir romain païen à persécuter l'Église du Christ et ce pouvoir païen s'abattit sur l'Église de tout son puissant appareil d'État par toutes sortes de tourments, de tortures, mais, en fin de compte, s'avéra lui-même vaincu.

Mais peu de temps après monta sur le trône l'empereur égal-aux-apôtres Constantin, sous le règne duquel le christianisme resplendit conformément à la parole de l'apôtre : « La victoire qui a vaincu le monde, c'est notre foi! ». Certes, il y eut plus tard encore des tentatives insensées de reprendre les persécutions sous l'empereur Julien l'Apostat.

Mais lorsque l'époque des persécutions prit fin, les forces obscures infernales ne se calmèrent pas pour autant et se mirent à attaquer l'Église d'une autre manière, par les hérésies. Lorsque parut la première hérésie, celle d'Arius, elle jeta le trouble et fit trembler toute l'Eglise. Cette hérésie, avec la dernière grande hérésie de l'iconoclasme, furent les plus pernicieuses et les plus dangereuses et elles troublèrent longtemps l'Eglise.

Il est étonnant de voir combien cette hérésie d'Arius a été tenace : le Premier Concile Œcuménique l'a condamnée, les saints hiérarques Basile le Grand, Grégoire le Théologien, Jean Chrysostome et d'autres l'ont victorieusement combattue, et malgré cela elle a continué à exister, elle a persisté à lutter contre l'Église durant plus de cent ans. De façon tout aussi tenace et durable l'hérésie iconoclaste a troublé l'Église et lorsqu'enfin, lors du VII° Concile Œcuménique fut définitivement posé le dogme de la vénération des icônes, il fut alors décidé que le premier dimanche du Grand-Carême serait célébré le Triomphe de l'Orthodoxie.

Le concile a fondé sa décision portant sur les saintes icônes sur la définition exacte de saint Basile le Grand qui, parlant des prières élevées devant les icônes, disait que l'honneur qui leur était rendu ne se rapportait pas à l'image en tant qu'objet, mais s'élevait jusqu'au prototype, c'est-à-dire remontait de l'image vers Celui ou Ce qui est représenté sur la sainte icône. C'est ainsi que l'Église a établi ce Triomphe de l'Orthodoxie que nous célébrons aujourd'hui.

Nous ne savons pas ce que nous réserve l'avenir, mais nous savons qu'aujourd'hui nous sommes à une époque où est apparue une nouvelle hérésie appelée « œcuménisme ». Ainsi que l'a dit notre Concile des Évêques de l'Église Russe Hors-Frontières, comme l'ont dit et écrit nombre des nos hiérarques, cette hérésie est en réalité l'hérésie des hérésies, précisément du fait que les œcuménistes souhaitent unir ce qui ne peut pas l'être, concilier la vérité avec le mensonge pour former un tout harmonique. Tentative insensée ! Et pourtant elle nous est si joliment présentée, de façon si attractive qu'il n'est pas difficile de voir qu'un très grand nombre de personnes se laissent séduire par cette falsification spirituelle, par cette fausse idée de l'union. Prends garde à toi, chrétien ! Méfie-toi de ces séductions contemporaines ! Le Symbole de la foi est un exposé concis et précis de notre foi. Fais ton propre examen : crois-tu comme l'enseigne le Symbole ? Si tu as quelque doute, si sur tel point tu penses différemment, sache que lorsque tes idées divergent de l'enseignement de l'Église, il te faut alors agir comme l'Archange Michel sur l'icône avec le diable, ou le Mégalomartyr Georges avec le dragon : fouler aux pieds et transpercer d'une lance, anéantir sans pitié chacune de tes pensées qui s'oppose à l'enseignement de l'Église.

Prends garde à ne pas être en désaccord avec tel point de la doctrine de l'Église. Le Christ a dit que celui qui n'écoute pas l'Église n'est rien d'autre qu'un païen et un publicain. C'est pourquoi, si tu as quelque doute, souviens-toi que le jour du Triomphe de l'Orthodoxie, il te faut prier le Seigneur qu'Il t'aide à surmonter tous tes doutes et à croire indéfectiblement tout ce que notre Mère-Église enseigne, car c'est elle qui réalisera ton salut. Prie donc le Seigneur de te donner la force d'être fidèle à Son Église et c'est alors que le Triomphe de l'Orthodoxie sera pour toi également un triomphe, une grande et joyeuse fête pour ton âme. Amen.

Saint Métropolite PHILARÈTE

Dimanche du Pardon

 

Lorsqu'une dispute entre des frères survenait dans un monastère, leur père spirituel leur interdisait alors de dire la prière du Seigneur, le Notre Père. Pour quelle raison ? Parce que dans cette prière nous demandons : « Remets-nous nos dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs », c'est-à-dire pardonne nos péchés, les dettes étant les péchés, parce que nous les pardonnons à ceux qui nous les ont faits. Ou bien cela peut encore signifier : Pardonne-nous nos péchés pour autant que nous les pardonnons à ceux qui nous les ont faits. Et donc, le starets disait à son fils spirituel « si tu ne pardonnes pas à ton prochain ses péchés, cela signifie que tu demandes au Seigneur qu'Il ne te pardonne pas tes propres péchés. Et je ne veux pas que tu demandes cela, c'est pourquoi, tant que tu n'auras pas fait la paix avec ton frère, abstiens-toi de dire la prière du Seigneur ». Alors, aussitôt, le fautif ne pensait plus qu'à une seule chose : « Quel chrétien suis-je, si je ne peux même pas prononcer la plus importante des prières chrétiennes ? ». Et ce sentiment l'amenait rapidement à comprendre l'impérieuse nécessité de faire la paix.

Ainsi, le Seigneur met en corrélation absolue Sa grâce du pardon de nos péchés avec le fait que nous pardonnions nous-mêmes ceux qui ont des torts envers nous.

Ce soir nous célébrerons les vêpres du Pardon. C'est un très bel office où les fidèles se demandent mutuellement pardon afin d'obtenir pour eux-mêmes le pardon de leurs propres péchés, volontaires ou involontaires, commis consciemment ou inconsciemment.

Il arrive fréquemment que, touché par ce rite solennel et émouvant, le chrétien se prosterne sans hésiter devant son prochain, le priant de le pardonner même s'il n'a jamais eu de différend avec lui, parce qu'il y a des cas où, sans que nous le sachions, nous avons peut-être froissé notre prochain et avons été pour lui l'objet d'une tentation. Seul le Seigneur connait nos péchés volontaires ou involontaires commis contre Lui ou contre nos proches.

Il arrive qu'une personne fasse une profonde métanie devant une autre, mais ne trouve pas en soi suffisamment de grâce pour accorder ce même pardon à celui avec qui il a eu un différend. Notre amour-propre s'y oppose en nous insufflant que nous avons raison et que c'est lui le fautif et donc nous n'avons rien à nous faire pardonner. En réalité, ainsi que le disent les saints Pères, à chaque fois où apparaît un conflit, les deux parties en portent la faute. Il faut l'admettre une fois pour toutes. Si nous étions des chrétiens parfaits, jamais nous n'aurions de disputes, mais puisque ces disputes surviennent, c'est que nous sommes de mauvais chrétiens et on ne peut y remédier qu'en faisant la paix. C'est pourquoi, les saints Pères disaient toujours que lorsqu'une dispute survient, ne cherchez pas à savoir qui a tort, qui a raison, car vous n'aboutirez à rien si ce n'est à vous disputer encore plus. Ce que vous devez, en revanche, faire c'est, en chrétiens, de vous incliner l'un devant l'autre en demandant pardon et vous constaterez que tout ce qui vous divisait et vous troublait disparaitra sur l'heure « comme fond la cire en face du feu ».

Le Grand-Carême est un temps de jeûne et de prière, un temps de pénitence, où nous nous efforçons surtout d'obtenir de la grâce du Seigneur le pardon de nos péchés. Et le Seigneur nous met en garde : si nous ne sommes pas prêts à nous réconcilier avec notre prochain, toutes nos prières afin d'obtenir notre pardon seront vaines. Le Seigneur dira : « Tu n'as pas pardonné, tu ne seras pas pardonné ». C'est, par un effort d'humilité sur nous-même, que nous devons absolument nous réconcilier, surtout avec ceux envers qui nous pourrions éprouver de l'animosité.

Essayons d'y parvenir de toute notre âme, sinon, ainsi que le Seigneur l'a dit dans une de Ses paraboles, notre Père Céleste nous jugera sévèrement. Nous ne devons pas nous réconcilier de façon extérieure, mais de tout notre cœur. Souvenons-nous que l'amour chrétien couvre tout et au nom de cet amour et selon les commandements du Seigneur, pardonnez-nous, pécheurs. Amen.

Saint Métropolite PHILARÈTE

Dimanche du Jugement Dernier

Lorsque l'on lit la Vie de saint Basile le Grand, il y a ce cas où il fait une remontrance à une femme riche au sujet de son mauvais comportement, mais au lieu de suivre humblement le conseil de ce grand saint, celle-ci se mit à répliquer et avec tant d'insolence qu'il lui envoya une lettre qui disait en gros : ne me fait pas de leçons, mais pense plus souvent au jour dernier.

A quel « jour dernier » saint Basile faisait-il allusion ? La sainte Église nous en parle justement dans la lecture de l'évangile que nous venons de lire. C'est le récit de ce jour où le Sauveur parle à Ses disciples du Jugement dernier, comment se déroulera ce Terrible Jugement au jour que Dieu Seul connaît, jour auquel nos contemporains pensent si peu. Et cependant, c'est la seule chose dont on puisse être totalement certain. L'homme peut avoir beaucoup de plans, de projets, mais le plus souvent il arrive qu'au beau milieu de ces entreprises la mort avec sa faux vient y mettre un terme et « en ce jour-là périront toutes leurs pensées » /Ps. 145, 4/ ainsi que le dit l'Église. Mais le fait que le Jugement dernier aura bien lieu et que personne ne pourra y échapper, est un fait indubitable. C'est étrange de voir avec quelle indifférence les hommes, et même les croyants, se comportent à cet égard. De temps à autre ils peuvent, certes, s'en souvenir, mais aussitôt ils chassent cette idée triste et désagréable et vaquent à nouveau à leurs occupations. Et pourtant, même les écoliers savent que lorsqu'ils doivent passer un examen, il leur faut tout mettre en œuvre pour le réussir. En outre, dans le cas d'un examen scolaire il est toujours possible de le repasser en cas d'échec, alors que nous devons fermement savoir que celui qui échouera à ce terrible et dernier examen, il n'y aura plus aucune possibilité de rattrapage. Plus jamais.

C'est un tableau grandiose qui nous est brossé par Celui qui en sera le Juge. Tous les peuples seront réunis et « Il séparera les brebis d'avec les boucs » /Mt 25, 32/, les brebis douces et dociles des boucs indociles, butés et bagarreurs et alors se tiendra le Dernier Jugement et la sentence pour chacun sera prononcée.

Combien lumineux et joyeux sera ce moment où notre Seigneur et Sauveur s'adressera à la multitude de Ses fidèles serviteurs et leur dira : « Venez les bénis de Mon Père, prenez possession du Royaume qui vous a été préparé dès la création du monde » /Mt.25,34/. Notre Seigneur et Sauveur qui est venu pour sauver l'humanité, se réjouira de ne pas être venu en vain sur cette terre, de ne pas avoir supporté en vain Ses terribles souffrances, et que Son sang n'aura pas été versé en vain.

Par amour Il est venu et par amour Il a souffert ; Son disciple bien-aimé, l'apôtre Jean, a dit que « Dieu est amour » /1 Jn 4,16/. Et voici que devant Lui se tient la multitude de ceux qui ont reçu et réalisé Sa loi d'amour. « J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli ; nu, et vous m'avez vêtu ; malade et en prison, vous m'avez visité » /Mt 25, 35-36/. Et leur bouche laissera entendre une humble réponse : « Quand, Seigneur, T'avons-nous vu avoir faim, et T'avons-nous donné à manger ; soif, et donné à boire ; étranger, et T'avons-nous recueilli ; nu, et T'avons-nus vêtu ; malade, en prison, et T'avons-nous visité » /Mt 25,37-39/. Et Il leur dira : « En vérité, Je vous le dis, chaque fois que vous l'avez fait à un de ces plus petits de Mes frères, c'est à Moi que vous l'avez fait » /Mt 25,40/.

Grand sera ce moment de joie ! Mais malheureusement, chaque médaille a son revers. Et alors, le Roi de Gloire s'adressera à ceux qui se tiennent à Sa gauche et leur tiendra des propos terribles, comme Il n'en a jamais tenu à personne du temps où Il était sur terre : « Eloignez-vous de Moi, maudits, allez dans le feu éternel, qui a été préparé pour le diable et ses anges » /Mt 25,41/. Quelle horreur ce sera ! Et pourquoi, pour quelle raison ? Parce qu'ils ont rejeté cette loi d'amour que les justes, eux, avaient reçue et accomplie. Et Il énumérera les occasions où ils auraient pu L'aider en la personne de leurs proches et ne l'ont pas fait. Ils tenteront alors, face à cette éternité terrible qui s'ouvre devant eux, de se justifier une dernière fois comme ils en avaient l'habitude de leur vivant sur terre : « Seigneur, quand T'avons-nous vu malade, souffrant, affamé et ne T'avons pas assisté »? Si nous T'avions vu, nous T'aurions aidé. Mais le Juge terrible leur dira : « En vérité, Je vous le dis, ce que vous n'avez pas fait à l'un de ces plus petits de Mes frères, vous ne me l'avez pas fait à Moi » /Mt 25,45/. Avec quelle tristesse Il les regardera ! Il avait tout fait pour eux, mais ils n'ont pas reçu Son amour, ils l'ont rejeté, vivant en égoïstes, se noyant dans les passions et voici maintenant leur triste destinée ...

Garde toujours cela en mémoire, frère chrétien. C'est ainsi que tout s'achèvera. Devant nous s'ouvrira l'éternité que nous avons tendance à oublier, et au seuil de cette éternité il y aura cet examen terrible dont nous parle aujourd'hui l'Église.

Comment ne pas rappeler ici les paroles de ce grand hiérarque de Moscou, le Métropolite Philarète, qui disait que le Juge Terrible nous fait entrevoir le tableau du Jugement, afin que nous puissions, tant qu'il est encore temps, durant notre vie, passer du côté gauche au côté droit. Profitons-en tant que nous sommes vivants. Amen.

Saint Métropolite PHILARÈTE

« Sur les fleuves de Babylone »

 

Plus nous nous rapprochons du Grand-Carême, plus nous entendons des prières particulières par lesquelles l'Eglise nous prépare à ce temps carémique de prière, de jeûne et de pénitence.

Le dimanche du Publicain et du Parisien, l'Eglise a entonné ce chant de pénitence «Ouvre-moi les portes de la pénitence, ô Donateur de vie», et ce dimanche du Fils prodigue s'ajoute une nouvelle prière que nous avons entendue aujourd'hui. C'est un des psaumes de David qui commence par ces paroles : «Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion» /Ps. CXXXVI, 1/

Ce psaume nous remet en mémoire un moment précis de l'histoire sainte que l'on découvre dans les paroles suivantes : «Souviens-toi, Seigneur, des fils d'Edom, qui disaient au jour de la ruine de Jérusalem : détruisez, détruisez-la jusqu'à ses fondements» /ibid., 7/. Ces paroles nous rappellent la tragédie vécue par le peuple d'Israël lorsque la ville de Jérusalem fut détruite par son conquérant – le roi de Babylone Nabuchodonosor et que le peuple d'Israël fut relégué en captivité sur les rives lointaines des fleuves babyloniens.

S'apprêtant à affronter et à repousser son conquérant, Israël s'assura de l'aide de son peuple-frère des Iduméens, descendants d'Esaüe, appelés «fils d'Edom». Ils avaient promis leur alliance au peuple juif, leur aide et leur soutien. Et ce psaume parle de leur trahison perfide, raconte quels traitres furent ces «fils d'Edom au jour de Jérusalem», en ce jour si terrible, gravé dans la mémoire de Jérusalem, lorsque des ennemis cruels et sans-pitié détruisaient la ville sainte et que « les fils d'Edom » au lieu de l'aide promise, clamaient : «Détruisez, détruisez-la jusqu'à ses fondements» ...

Devant qui dorénavant pouvaient se plaindre le peuple juif vaincu ? Le peuple vaincu d'Israël n'avait plus personne à qui s'adresser pour demander de l'aide. Et voilà qu'il s'adresse à Dieu : «Souviens-toi, Seigneur, des fils d'Edom le jour de Jérusalem», n'oublie pas, Seigneur, dans Ta justice ce jour terrible de Jérusalem, où ceux qui avaient promis d'être nos alliés ont accompli cette horrible trahison …

Toutefois le sens essentiel de ce chant «Sur les bords des fleuves de Babylone» n'est évidemment pas, pour nous chrétiens, dans cet aspect historique. Ce psaume nous apprend que les Juifs durant leur captivité à Babylone ont appris à aimer leur patrimoine sacré, à le préserver. Les oppresseurs cruels leur disaient : «Chantez-nous un cantique de Sion», et ils leur répondaient : «Comment chanterions-nous un cantique du Seigneur sur une terre étrangère?» /ibid., 3-4/.

Et bien nous, qui avons également vogué sur de nombreux fleuves loin de notre terre natale, nous devrions prendre exemple sur le peuple juif et devrions apprendre à aimer comme il le fit dans la captivité de Babylone à préserver notre patrimoine sacré, à le respecter, à le chérir.

Mais le sens spirituel de ce psaume nous a été donné par notre grand starets Ambroise conformément aux écrits patristiques. Dans une de ses lettres édifiantes, s'adressant à lui-même, il dit : «Fille de Babylone, toi ma chair maudite, quand apprendrai-je à briser tes enfants impies sur le roc de la foi?». Lorsque le péché est tout juste apparu dans notre âme, mais ne s'en est pas encore rendu maître, les saints Pères l'appellent «enfant impie», cela veut dire que c'est lorsque la tentation du péché pointe dans notre âme que nous pouvons et devons le vaincre. Si nous retenons en notre âme et notre esprit cette chose qui nous tente et nous séduit, si nous lui prêtons attention, elle devient alors de plus en plus aiguë et attirante, et plus elle reste en notre âme, plus elle sera difficile à vaincre. C'est pourquoi notre grand starets dit qu'il faut «briser ces enfants impies sur le roc de la foi». Il faut lutter contre le péché, le rejeter hors de nous, dès lors qu'il apparaît en notre âme et ne s'en est pas rendu encore maître, tant qu'il est encore faible comme un enfant.

Peut-être avez-vous lu ce récit où un vieux moine apprenait à un jeune novice à lutter contre les péchés et lui disait : «Arrache cet arbrisseau», ce que le novice fit sans peine. Et maintenant, arrache cet arbre-là », dit le moine. Cet arbre était beaucoup plus gros, plus vieux et le jeune novice l'arracha, mais avec beaucoup de peine. «Et maintenant arrache celui-ci», — dit-il en indiquant un vieux gros chêne, et bien évidemment le novice ne pouvait pas l'arracher. Le starets lui dit alors : «Souviens-toi, il faut lutter contre le péché dès qu'il se manifeste, sinon il se transforme en habitude et il devient très difficile de le vaincre, car imperceptiblement il s'emparera de ton âme et tu ne pourras plus t'en détacher».

Et c'est bien de cette lutte contre le péché dont nous parle ce chant «Sur les fleuves de Babylone» en nous apprenant que la moindre tentation pécheresse qui s'approche de nous doit être brisée sur le roc de la foi pour ne pas lui donner le temps de s'emparer de notre âme. Amen.

Saint Métropolite PHILARÈTE