«Ouvre-moi les portes de la pénitence»

Nous venons pour la première fois cette année d'entendre les paroles de cette prière. Et malgré nous, notre pensée nous ramène en arrière, et nous nous souvenons qu'il y a un an nous partagions cette même prière avec des personnes qui ont quitté cette vie et ne sont plus parmi nous.

Mais le Seigneur nous accorde à nouveau cette grâce. Nous nous tenons avec vous devant les portes de la pénitence. Par cette prière l'Eglise nous rappelle non seulement que nous approchons du Grand-Carême, mais que sans la grâce divine et l'aide de Dieu nous ne pouvons pas réellement faire pénitence.

Imaginez une personne qui se tiendrait devant une porte close et qui devrait absolument l'ouvrir pour entrer, car dehors un grave danger la menace. Mais elle n'a pas la clef et si personne ne lui ouvre, alors elle périra. Sans aucune exagération, nous pouvons dire que le pécheur se trouve dans cette situation.

Mais qu'est-ce que la pénitence ?Comment devons-nous faire pénitence ?

Jadis, le saint starets Ambroise d'Optino en réponse à une âme pieuse qui demandait combien de temps fallait-il pour faire pénitence, fit la réponse suivante : il ne faut ni des années, ni des mois, ni des semaines pour faire véritablement pénitence, mais un seul instant suffit ! L'instant d'un retournement radical en nous détournant d'une vie pécheresse, négligente, vide, insouciante et en nous tournant vers une vie en Christ, une vie authentiquement chrétienne.

Notre malheur vient de ce que nous ne nous sentons pas véritablement pécheurs. Nous pensons que ces paroles sur la pénitence, l'amendement de notre vie s'adressent à quelques pécheurs impénitents, mais ne nous concernent pas vraiment, car nous ne nous sentons pas réellement pécheurs. Beaucoup d'ailleurs viennent à la confession et disent : « je n'ai pas de péchés particuliers ... »

Il n'est pas inutile de rappeler ici un récit que d'aucuns connaissent peut-être déjà. Deux femmes viennent visiter un saint starets, l'une d'elles porte un lourd péché. Elle avait, je crois, empoisonné son mari et avait réussi à cacher ce crime, mais sa conscience la faisait souffrir en permanence, alors que l'autre n'avait pas de péché aussi lourd sur la conscience.

Les voilà donc toutes deux chez le starets qui leur dit à chacune : « Va dans mon jardin et ramène moi des cailloux ». A celle qui avait un lourd péché sur l'âme, il dit : « Prends la plus grosse pierre que tu pourras soulever et ramène-la ». A l'autre il dit : « Prends ce sac, ramasse des petits cailloux et ramène-le moi ». Lorsqu'elles revinrent, le starets les félicita pour leur obéissance et dit : «  Et maintenant ramenez tout là où vous l'avez pris. Toi, pécheresse, va reposer cette grosse pierre là où tu l'a prise et toi qui es juste, qui n'a pas de gros péchés, va remettre tous ces petits cailloux à leur place. La première le fit sans difficulté, tandis que l'autre fut désemparée et revint avec le sac pratiquement plein car, bien évidemment, elle ne pouvait se souvenir d'où elle avait pris chacun des petits cailloux, mais comme elle ne voulait pas tromper le starets elle revint avec son sac presque plein.

Alors le starets lui dit : « Regarde cette femme qui avait un lourd péché sur l'âme, elle l'avait constamment à l'esprit, le déplorait sans cesse et les larmes de pénitence lavent tout péché. Et toi tu ne peux pas pleurer tes péchés, car tu ne te souviens même pas d'eux, de ce que l'on appelle ces petits péchés quotidiens. Mais pourtant ton sac est tout aussi lourd que cette grosse pierre ».

Et donc nous devons nous souvenir que tous ces petits péchés que nous ne gardons pas en mémoire, qui se fondent dans cette impression indéfinie qui nous donne une vague conscience d'être néanmoins pécheurs (« bien sûr que nous le sommes, mais pas tant que cela »), toutes ces petites fautes sont un poids terriblement lourd pour notre âme et peuvent la faire périr si nous ne la libérons pas durant cette vie, car après la mort il n'y a plus de pénitence possible.

Lorsque nous le comprendrons et sentirons le poids de ces péchés, alors nous voudrons sortir de cette vie pécheresse et emprunter une bonne vie chrétienne. Si nous décidons d'accomplir ce retournement intérieur, alors, comme nous le disait notre grand starets Ambroise, il nous suffira simplement de le vouloir et d'un instant pour y parvenir.

La semaine prochaine nous lirons l'Evangile du Fils Prodigue, qui, prenant conscience combien sa vie était fausse et dissolue et combien terrible était son état, décida d'abandonner cette vie et dit : « Je me lèverai et j'irai chez mon père » /Luc XV, 18/. Et ce ne furent pas seulement des paroles, il se leva sur-le-champ et partit. Et nous savons tous comment son père le reçut.

Et donc, en nous rappelant la nécessité de la pénitence, l'Eglise nous rappelle que sans la grâce et l'aide de Dieu nous ne pouvons y parvenir de façon satisfaisante, car nous ne voyons pas nos péchés comme il se doit et nous ne sentons pas le poids qu'ils représentent.

C'est pourquoi, prions le Seigneur d'ouvrir les yeux de notre âme afin que s'ouvrent pour nous les portes de la pénitence, sans quoi jamais nous n'entrerons dans le Royaume de Dieu. Amin.

Saint Métropolite PHILARÈTE

Résurrection du fils de la veuve de Naïn

 

Sur la Terre Sainte, en Palestine, il est une petite ville qui s'appelle Naïn et qui n'a d'autre intérêt particulier que d'être mentionnée dans le saint livre des Évangiles. Nous venons d'entendre lors de la Liturgie que son nom est lié à l'un des plus étonnants miracles de Jésus-Christ.

Nous savons que dans cette ville, le fils unique d'une femme veuve venait de mourir. Il n'est pas difficile d'imaginer le malheur et la tristesse inconsolables de cette mère. Le garçon vient de mourir. On porte son corps hors de la ville pour l'inhumer. Un grand nombre de personnes accompagnent la mère épleurée et tentent vraisemblablement de la consoler, mais sa tristesse est inconsolable. Mais alors que la procession sortait de la ville, ils rencontrent une autre procession, c'était notre Seigneur Jésus-Christ avec Ses apôtres entourés d'une grande foule de personnes. Et voilà que ces deux processions se croisent, se croisent la mort et la Vie.

Hier soir aux vigiles, nous avons glorifié notre Seigneur Jésus-Christ comme étant le Principe de notre vie. Il est l'origine de toute vie, à Ses apôtres Il disait : « Car Je vis et vous vivrez en Moi » (Jn XIV, 19). Il donne la vie à tout ce qui vit. Et voilà qu'Il est confronté à cette triste scène, ce chagrin d'une mère inconsolable. Nous savons qu'en règle générale la mort triomphe de la vie, car toute vie prend fin avec la mort, ce qui est indiscutable. Il n'est pas dit dans l’Évangile que la mère ait demandé quoi que ce soit au Seigneur. Peut-être même ne L'avait-elle pas remarqué, plongée qu'elle était dans son chagrin. Mais le Seigneur avait vu ses pleurs, ses lamentations inconsolables, et Il prit pitié d'elle et lui dit : « Ne pleure pas » (Luc VII, 13) ! Et ceci a dû agir sur elle, car toute parole du Christ est porteuse de force et de pouvoir. Ceux qui portaient le corps du garçon s'arrêtèrent. Le Seigneur toucha le cercueil et s'adressant au défunt lui dit comme à un vivant : « Jeune homme, Je te le commande, lève-toi !» (Luc VII, 14). Le mort se leva et se mit à parler.

Est-il besoin de dire la joie de la mère. Le miracle provoqua une impression stupéfiante. Une grande frayeur les saisit tous : « Un grand prophète a paru parmi nous, et Dieu a visité Son peuple » (Luc VII, 16), dirent-ils. En général on pense que la mort finit toujours par vaincre la vie, mais là nous voyons que lorsque le Principe de notre vie intervient, c'est l'inverse qui se produit. Dans les Evangiles nous lisons fréquemment que notre Seigneur Jésus-Christ a ressuscité des morts, et non seulement Lui-même ressuscitait des morts, mais lorsqu'Il envoyait prêcher les apôtres, Il leur disait : « Guérissez les malades /.../ chassez les démons, ressuscitez les morts » (Mt X, 8).

L'aide divine ne tarde jamais à se manifester là où il y a de la foi. Et si le Seigneur pouvait dire avec tristesse de ses contemporains qu'ils étaient « une race incrédule et perverse » (Mt XVII, 17), ces paroles, malheureusement, se rapportent encore plus à nous. Nous sommes aujourd'hui bien plus incrédules et pervers qu'ils ne l'étaient. Mais lorsque le Seigneur s'adresse à un homme, qu'Il fait appel à sa faible foi et que celle-ci se réveille, alors le miracle se produit.

Il en est toujours ainsi, un chrétien animé d'une foi sincère sait qu'à Dieu tout est possible. Un poète russe a dit : «  Heureux qui a la foi ! Tout lui sourit dans le monde ! ». Et en effet, il est heureux, car la foi est un flambeau puissant entre ses mains qui illumine toute sa vie, ce qui lui permet de voir ce qui est juste. Ce n'est pas en vain que le psalmiste disait : « J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé » (Ps. CXV, 1), autrement dit « j'ai parlé conformément à ce que je croyais ». Ainsi doit être la vie de tout chrétien. La lumière de la foi doit éclairer tout le chemin de sa vie. Et alors, de sa propre expérience, il saura que le Seigneur est proche de ceux qui croient en Lui, et sa vie sera alors comblée de bienfaits divins. Amen.

 

Saint Métropolite PHILARÈTE

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MESSAGE DE LA NATIVITÉ

du Primat de l'Église Orthodoxe Russe Hors-Frontières

« Quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-Il la foi sur la terre ? » /Luc XVIII, 8/

Tout comme à l'époque de Sa Nativité, le Seigneur ne trouvera qu'une petite poignée de Ses disciples lors de Son Second Avènement. D'année en année, l'Enfant-Dieu vient dans un monde où la foi dépérit toujours plus et où le monde s'enfonce de plus en plus dans l'apostasie. Et cette année, nous pouvons le remarquer tout spécialement. La paix, le souffle d'amour, de silence, l'entente s'éloignent inexorablement du monde et de partout s'installent en maître la cruauté et des instincts étrangers à l'homme. Et plus jamais il n'en sera autrement, car Dieu ne trouvant pas de place pour Lui en ce monde, S'éloigne toujours plus de notre agitation pécheresse - « le Fils de l'homme n'a pas où reposer Sa tête » /Mat. VIII, 20/.

Saints Évêques de Moscou

 

L’Église Orthodoxe Russe glorifie aujourd'hui ses grands hiérarques, les métropolites de Moscou Pierre, Alexis, Jonas, Philippe et le saint patriarche Hermogène qu'elle a agrégé plus tard au nombre de ses saints Primats. Chacun d'eux était un grand évêque, une règle de la foi, une image de la douceur et de la piété. Chacun d'eux était un grand ascète et une parure de l’Église Russe.

Mais ce qui est remarquable, c'est que leurs saints noms ne sont pas seulement inscrits dans les pages d'histoire de l’Église, mais également dans les pages de l'histoire de l’État Russe car, tout en étant à la tête de l’Église, ils ne pouvaient rester indifférents à la vie du pays, comment s'édifiait notre grande et sainte Russie, et ils participaient à ce développement de façon active.

Les temps étaient alors différents. Chaque Russe construisait tant sa vie personnelle que sociale en étroite dépendance avec la vie et les règles ecclésiales. La vie des Russes à l'époque de ces grands saints s'édifiait selon les fêtes et les normes de l’Église. Coopérant avec l’État, l’Église, évidemment, n'oubliait pas sa mission essentielle – le salut des âmes pour l'éternité. Apportant un éclairage de vérité évangélique, l’Église a toujours illuminé la vie nationale, indiquant ce qui est juste et ce qui ne l'est pas.

L'exemple de la vie des saints Alexis et Philippe de Moscou nous montre combien la voix indépendante et audacieuse de l’Église russe savait se faire entendre.

Lorsque le tsar Ivan le Terrible, homme intelligent, génial même peut-être, mais atteint de maladie mentale, se laissait emporter par la colère, ce qui lui arrivait fréquemment pour des raisons injustifiées, le métropolite Philippe ne craignait pas de lui faire grief publiquement, en pleine église, de ses crimes et forfaits. Mais ces réprimandes ne présentaient pas l'ombre d'une révolte contre le tsar. Le métropolite Philippe parlait en père spirituel et en loyal sujet du souverain. Si la nécessité s'était présentée, il serait parti mourir pour ce même tsar dont il dénonçait les agissements. Mais sa conscience de pasteur et d'évêque lui indiquait ce qu'il y avait lieu de dire, et il le disait. Comme il le fit un jour face au tsar pris de colère furieuse en lui disant : « Sur cette terre je suis un étranger, mais je lutte pour la vérité. Et aucune force au monde ne peut me contraindre à me taire ».

Nous savons comment, durant les tristes années de la révolution, les sans-Dieu qui s'étaient emparé du pouvoir en Russie avaient immédiatement déclaré la séparation de l’Église et de l’État comme un de leurs principes fondamentaux. Mais en Russie, depuis de nombreux siècles, l’Église s'était totalement unie au pouvoir de l’État, c'est pourquoi il eût fallu dire non pas « séparation de l’Église et de l’État », mais dire « l’Église est bannie, chassée de l’État ». Toutefois les sans-Dieu n'osèrent pas dire ainsi et dirent simplement que dorénavant l’Église serait séparée de l’État. Et ce fut le début d'un cauchemar qui dure à ce jour.

Mais en tout état de cause, ce qui nous a été légué par nos ancêtres des temps anciens et bénis, nous devons le garder précieusement et chacun doit comprendre que l’Église ne peut pas être séparée de l’État. Certes, elle ne peut pas se fondre en lui selon la parole du Seigneur « Mon Royaume n'est pas de ce monde », signifiant que l’Église et l’État sont de natures différentes, mais en même temps l’État ne peut vivre normalement que tant que l’Église irradie de vérité évangélique toute action du pouvoir civile.

Tous nous croyons que tôt ou tard le Seigneur prendra en pitié notre Patrie consumée de souffrance et de chagrin et que la foi et la justice y triompheront à nouveau et l’État pourra, comme par le passé, édifier sa vie en accord avec l'enseignement de l'Eglise.

Que le Seigneur, par les prières de nos grands hiérarques Pierre, Alexis, Jonas, Philippe et Hermogène, bénisse notre Patrie et la ramène sur la voie de la piété.

 

Saint Métropolite PHILARÈTE

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La pêche miraculeuse

18-ème Dimanche après la Pentecôte

 

Avant de commencer toute action, les chrétiens orthodoxes ont l'habitude d'invoquer la bénédiction divine ; dans certains cas ils demandent la célébration d'un moleben; mais dans tous les cas ils demandent l'aide divine. Et pour comprendre combien l'aide et la bénédiction de Dieu nous sont nécessaires, nous le voyons dans l'évangile de ce jour.

Une fois, notre Seigneur Jésus-Christ parlait avec le peuple sur le rivage du lac de Galilée, lac profond et impétueux que les évangiles nomment parfois mer de Galilée à cause de sa profondeur. Quand Il eut fini, Il s'adressa à l'apôtre Pierre et lui dit : « Avance en pleine mer et jetez vos filets pour pêcher ». Ce à quoi, l'apôtre Pierre répondit : « Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre ».

Toute personne connaissant un tant soit peu la pêche, sait que l'on attrape plus facilement le poisson dans les filets de nuit que le jour. De nuit le poisson ne voit pas le filet, alors que de jour il le voit et peut l'éviter. Toutefois, par obéissance, Pierre ajouta aussitôt : « mais, sur ta parole, je jetterai le filet ».

Et lorsque le filet fut jeté, il ramena une très grande quantité de poissons, au point que le filet en fut déchiré. Pierre et André durent appeler à l'aide leurs amis Jacques et Jean, fils de Zébédée, qui étaient également pêcheurs. Les deux barques furent tellement surchargées qu'elles faillirent couler. Arrivé sur la rive, Pierre tomba aux pieds de son Maître et Lui fit cette prière : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur » et le saint évangéliste Luc ajoute : « car l'effroi l'avait saisi, lui et tous ceux qui l'accompagnaient, à cause de la capture de poissons qu'ils avaient faite ». L'apôtre Pierre, étant un pêcheur confirmé, savait qu'il s'agissait là d'un miracle extraordinaire et, en toute humilité, se sachant indigne de se tenir aux côtés de Celui qui réalise de tels actes, il Le prie : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheu».

Mais cet évangile est également réconfortant pour notre faiblesse. Si nous faisons des efforts et ne voyons pas de résultats, ne nous décourageons pas, mais souvenons-nous que le Seigneur fait en sorte que nous ne comptions pas sur nos propres forces, nos capacités et nos connaissances, mais que nous comprenions notre faiblesse et notre impuissance lorsque nous sommes privés de l'aide de Dieu, c'est-à-dire que nous comprenions ce que le Seigneur avait dit aux apôtres au cours de la Sainte Cène : « Sans Moi, vous ne pouvez rien ».

C'est la raison pour laquelle nous avons tellement besoin de l'aide et de la bénédiction de Dieu. C'est pourquoi, chaque fois que nous constatons le peu de résultat de nos efforts, - ne perdons pas courage, mais invoquons l'aide de Dieu. Même si nos efforts semblent longs et infructueux, ne les relâchons pas et ne cessons pas d'invoquer l'aide divine. Tant que nous nous faisons une haute idée de nous-même et cherchons chez notre prochain et non en nous-même la cause de nos échecs et de nos déconvenues, jamais nous ne pourrons espérer que Dieu nous vienne en aide.

Confions notre vie et nos actes à la Providence divine et prions le Seigneur qu'Il nous accorde Son aide. Et Celui qui a dit dans le psaume 90 : « Il criera vers Moi, et Je l'exaucerai», nous entendra également et il nous sera donné selon notre foi et notre prière. Amen.

saint Métropolite PHILARÈTE





 

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