Le Carême de la Nativité

 

Le 25 décembre selon le calendrier julien (7 janvier selon le calendrier grégorien) nous célébrons la fête joyeuse de la Nativité du Christ. C'est la venue dans notre monde pécheur du Dieu Verbe Incarné. Dieu est devenu Vrai Homme sans cesser d'être Vrai Dieu afin de nous sauver du péché, de la malédiction et de la mort qui pesaient sur toute l'humanité consécutivement à la chute de nos ancêtres Adam et Eve. Cette immense fête est en réalité la mère de toutes les fêtes, car en elle trouvent leur fondement la Théophanie, la Pâque, l'Ascension et la Pentecôte. Si le Christ n'était pas né dans la chair, Il n'aurait pas été baptisé – ce qui est la fête de la Théophanie ; Il n'aurait pas souffert et ne serait pas ressuscité – ce qui est la fête de la Pâque ; Il n'aurait pas envoyé le Saint Esprit – ce qui est la Pentecôte. Ainsi, de cette fête de la Nativité du Christ sont nées toutes nos autres fêtes comme d'une même source naissent différents ruisseaux.

Il est donc compréhensible que la sainte Église nous appelle à nous préparer à accueillir cette grande et joyeuse fête. Elle désire que nous préparions nos âmes à sa célébration solennelle par le jeûne et la pénitence, que nous entrions par avance dans l'esprit et l'état d'esprit de cette fête, afin que nous la célébrions de façon consciente et qu'elle porte en nous des fruits et soit salutaire pour nos âmes.

Mais est-ce que nous nous préparons comme il se doit à la venue dans ce monde du Fils de Dieu ? Malheureusement, peu nombreux sont aujourd'hui les vrais chrétiens, même parmi les orthodoxes ! Alors que les ennemis du Christ ont tout fait pour éradiquer cette fête de nos consciences, la priver de toute signification, en ont fait une banale « fête saisonnière » pour laquelle il est de coutume de s'offrir mutuellement des cadeaux. Les commerçants, avides de profit, se préparent bien en amont en faisant la publicité pour leurs produits : et nous savons que c'est une période où effectivement le commerce est très actif et très lucratif pour les commerçants. Mais presque personne n'a la moindre pensée pour Celui qui est né en ce jour de fête – le Christ Sauveur du monde ! Ce jour se résume à des réjouissances, des distractions, des festins, des cadeaux – toutes choses qui n'ont rien de commun avec la Nativité du Christ. Et de nos jours, nous voyons combien en ce jour cet événement grandiose de l'histoire de l'humanité est de plus en plus oublié et ignoré.

Voilà avec quelle ruse et quelle maîtrise travaillent les ennemis du Christ et il est triste de voir que nombre de nos fidèles orthodoxes se laissent entraîner dans ce courant de « guerre froide » contre le christianisme.

Et cependant, notre sainte Église nous enseigne à une tout autre célébration de cette fête et nous appelle 40 jours avant à nous y préparer. Évidemment, non seulement on peut faire des cadeaux, c'est même très bien, cependant ce ne doit pas être une fin en soi. Célébrer de façon chrétienne, n'est possible que lorsque nous nous efforçons de purifier nos âmes de toute impureté et de tout péché.

C'est dans ce but que dès les premiers siècles du christianisme, l’Église a établi un Carême de 40 jours précédant la Nativité du Christ, 40 jours pendant lesquels on jeûne, on se confesse et l'on communie aux Saints Dons. Ce Carême de la Nativité commence le 15/28 novembre, il est parfois appelé « Carême de Philippe » car il débute le lendemain du jour où nous faisons mémoire de l’apôtre Philippe (14/27 novembre).

Ce Carême n'est pas aussi strict que le Grand-Carême : les lundi, mercredi, vendredi on s'abstient de consommer du poisson, du vin et de l'huile et les autres jours seul le poisson est interdit, en revanche les samedi et dimanche le poisson est autorisé. Du 20 au 24 décembre/2 au 6 janvier on s'abstient de manger du poisson. La veille de la Nativité on mange traditionnellement de la « koutia » ou « kolivo », préparation de graines de blé mélangées à du miel ou autre graminée bouillies et des noisettes ce qui doit nous rappeler que le Carême ne s'interrompt qu'après la Liturgie de Noël.

Sept jours après le début du Carême (21 novembre/4 décembre) on célèbre l'Entrée au Temple de la Très Sainte Mère de Dieu. C'est une très grande fête qui entre au nombre des « Douze grandes fêtes » de l'année liturgique qui annonce en quelque sorte la Nativité du Christ. «Dans le temple de Dieu, la Vierge se montre clairement et, d’avance, elle annonce le Christ à tous », chantons-nous dans le tropaire de cette fête et l'événement même est appelé « prélude de la bienveillance de Dieu », car la Nativité fut la conséquence de ce que la Très-Pure Vierge Marie soit entrée dans le temple et y a reçu son éducation spirituelle qui a fait d'elle un vase de l'Incarnation du Fils de Dieu. C'est pourquoi, à compter de ce jour aux offices des vigiles est chanté le chant triomphal de la Nativité : « Le Christ naît, glorifiez-Le ; le Christ descend des cieux, allez à Sa rencontre ; le Christ est sur terre, relevez-vous. Chantez le Seigneur toute la terre et, dans votre joie, peuples, célébrez-Le, car Il S'est couvert de gloire ». 

Nous devons écouter ce chant avec un cœur ému, car il nous annonce la venue prochaine de la fête joyeuse de la Nativité selon la chair de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et plus nous approchons de ce jour radieux, plus nous entendons lors des offices des paroles qui nous en rapprochent.

Deux semaines avant la Nativité, nous commémorons les saints Ancêtres, les Justes vétérotestamentaires, grâce auxquels a été maintenue parmi les hommes la foi en un Messie à venir et Sa manifestation sur terre a été rendue possible. Et le dernier dimanche avant la Nativité, Dimanche de la Généalogie, la sainte Église glorifie toute la généalogie des ancêtres du Christ dans la chair et à la Liturgie est lu l'évangile de saint Matthieu qui énumère cette généalogie depuis Abraham. De façon particulièrement solennelle l’Église célèbre la vigile de la Nativité avec lecture des prophéties annonçant la venue du Messie. La joie s'exprime dans ce chant triomphal reprenant les paroles prophétiques d'Isaïe : « Dieu est avec nous, sachez-le nations et soumettez-vous, car Dieu est avec nous » !

C'est ainsi que progressivement durant ces 40 jours l’Église nous prépare à cette fête que les livres liturgiques nomment également Pâque, la Pâque d'hiver. C'est ainsi que durant des siècles et des siècles, les chrétiens se préparaient et célébraient cette fête joyeuse annoncée par les prophètes. Et que voyons-nous aujourd'hui ?

Les ennemis de Dieu ont de tout temps, et tout spécialement de nos jours, cherché à effacer le Christ de la conscience des chrétiens et ont pu atteindre des résultats significatifs par la faute même des chrétiens. C'est ainsi que le monde chrétien contemporain en est venu à célébrer la Nativité du Christ … sans le Christ !

Il n'y a rien de mal dans la coutume du sapin de Noël et des cadeaux pour les petits enfants, mais ce qui est mal c'est lorsque le sapin et les cadeaux en viennent à éclipser le Christ, jusqu'à aboutir à Son total oubli ! N'oublions jamais que, pour nous chrétiens, le Christ doit toujours occuper la première place, être au centre de notre vie, et ce notamment les jours où nous célébrons Sa venue parmi nous, pour notre propre salut.

Sachons que nous devrions avoir honte d'emboîter le pas aux ennemis du Christ, qui poussés par le diable luttent contre Lui et s'efforcent par tous les moyens de nous entraîner dans leur camp. Se peut-il que pour des biens éphémères par lesquels ils tentent de nous séduire, nous soyons prêts à trahir notre Seigneur et Sauveur ?

Qu'il n'en soit jamais ainsi !

D'après + Archevêque AVERKY

Saint et Juste JEAN de Kronstadt

 

Lorsque nous étudions la vie de saint Jean de Kronstadt, nous constatons qu’il a commencé sa vie de prêtre de la même façon que beaucoup d’autres prêtres. Il était né dans une famille pauvre d’un modeste chantre, avait connu la pauvreté, le besoin avant de recevoir la prêtrise. Mais il y a une énigme ; comment, ayant commencé sa vie comme tant d’autres prêtres, est-il devenu ce géant spirituel, comme il y en a peu, non seulement en Russie, mais dans toute l’Église Universelle ?

Il faut encore se souvenir combien son ascèse était ardue. Nos plus grands saints, comme saint Serge ou saint Séraphim et d’autres, se retiraient du bruit et de la vanité de ce monde, alors que tout le labeur pastoral de saint Jean s’est déroulé au milieu des masses humaines.

Mais il a lui-même donné l’explication à cette énigme. Ayant commencé son périple pastoral comme l’un des simples prêtres de la cathédrale de Kronstadt, il a tendu toute son attention et toutes ses forces à ce que nous appelons « l’homme intérieur ». Il dira lui-même par la suite qu’il avait décidé fermement, dès son premier jour de prêtrise, de se surveiller, de se contrôler en permanence. Ainsi, il s’efforçait de réprimer tous les désirs pécheurs, toutes les inclinaisons vers le péché dès qu’elles affleuraient son âme.

Nous voyons là combien il est différent de nous, grands pécheurs. Combien de péchés et de séductions nichent dans notre âme pécheresse !… Combien faibles et impuissants sommes-nous lorsqu’il nous faut vaincre le péché, parce que nous avons tardé à entrer en lutte contre lui, car lorsque le péché a déjà pris possession de notre âme, il est alors plus que difficile de le vaincre et de le chasser de son âme. Quant à saint Jean, dès lors qu’il remarquait en soi une insinuation pécheresse, car cela lui arrivait aussi, il était un homme comme nous, il l’arrêtait immédiatement et entamait une lutte sévère contre notre ennemi, le Séducteur, qui, comprenant qu’il avait affaire à un serviteur de l’Église tout à fait exceptionnel, se mettait à l’assaillir de façon telle que les gens pouvaient le voir. Un des prêtres qui avait souvent célébré avec le père Jean dans sa jeunesse témoignait : « Que de fois ai-je vu comment l’ennemi tentait d’enchaîner le père Jean durant la célébration ; son visage alors s’assombrissait, il s’arrêtait, se tenait immobile et l’on voyait qu’en son for intérieur une lutte terrible se déroulait. Il invoquait alors le Nom du Seigneur et il s’illuminait entièrement, joyeusement et avec entrain, baigné de grâce divine, reprenait la célébration ». Menant un tel combat contre ses inclinations pécheresses, contre l’ennemi de notre salut, le père Jean rapidement se mit à grandir spirituellement.

Et à un certain moment il se transforma en thaumaturge, d’abord de Kronstadt, puis de toute la Russie. Nous savons combien sa célébrité a franchi les frontières de la Russie, parce que de tous les coins de notre monde s’élevaient vers lui des demandes pour qu’il prie, de sa prière puissante et audacieuse, auprès du trône de notre Seigneur de Gloire. Nous avons eu en Russie beaucoup de grands saints qui accomplissaient de très nombreux miracles, mais un tel océan de miracles, dont on ne saurait en calculer le nombre et qui accompagnaient saint Jean dans la seconde moitié de sa vie pastorale, nous n’en avons jamais eu de pareil. Ce n’est pas pour rien que ses enfants spirituels et tous ceux qui le vénéraient, disaient que cela leur rappelait les temps évangéliques. Tout comme les miracles fleurissaient autour du Christ, de même un flot incessant de miracles entourait Son fidèle serviteur.

Voilà quel homme de prière et thaumaturge, le Seigneur a envoyé au peuple russe à la veille des temps difficiles qu’il allait endurer. Le père Jean avertissait, sonnait l’alarme. Dans ses sermons des dernières années il le répétait sans cesse. Il disait : « Peuple russe, préserve ton bon et pieux Tsar. Si tu parviens à le garder, la Russie restera pour de longues années encore puissante et glorieuse pour le plus grand bonheur de ses amis et la crainte de ses ennemis. Et si tu ne le préserves pas, on tuera ton Tsar ainsi que la Russie, et toi tu connaîtras le déshonneur et on ira jusqu’à te priver de ton nom » !

De quelle terrible façon s’est réalisée sa prédiction… Le peuple russe n’a pas voulu écouter ce grand prophète que le Seigneur lui avait envoyé et sur la Russie se sont abattus des maux terribles qui durent jusqu’à présent. Mais nous avons foi en notre grand saint qui intercède pour nous par sa prière. Le saint père Jean n’a jamais refusé sa prière pastorale à qui la demandait lorsqu’il était sur terre. Maintenant qu’il est près du trône terrible du Seigneur de Gloire, qu’il se tient dans Sa Gloire avec les autres grands saints de Dieu, nous savons avec assurance qu’il ne nous oublie pas et qu’il n’oublie pas notre malheureuse Patrie, et qu’il élève là-haut ses prières ardentes. Que par ses saintes prières le Seigneur envoie à notre peuple épuisé par tant de tourments, la libération espérée de tous ses malheurs et du joug des sans-Dieu. Amen

 

Saint Métropolite PHILARÈTE

La Parabole du Semeur

Le Seigneur a prononcé cette parabole devant une foule si nombreuse, qu’Il a dû monter dans une barque qui se trouvait au bord du lac de Tibériade. Saint Jean Chrysostome disait que le Seigneur parlait en paraboles pour rendre Sa Parole plus expressive, pouvoir mieux l’imprégner dans les esprits et mieux faire apparaître les faits aux yeux de ceux qui l’écoutaient. Dans cette parabole sur le Semeur, sous les traits duquel Il se représentait Lui-même, les graines étaient la Parole Divine qu’Il enseignait, tandis que le terrain où tombaient ces graines étaient les cœurs de ceux qui L’écoutaient. Écoutant Son récit, ils pouvaient revoir en pensée leurs propres champs, le chemin qui les traversait, parfois bordé de ronces, par endroits pierreux, couverts seulement d’une fine couche de terre. Le geste du Semeur est en outre une parfaite image de l’enseignement de la Parole Divine qui, tombant dans les cœurs pouvait, en fonction de l’état de ceux-ci, soit rester infertile, soit porter des fruits plus ou moins gros.

En réponse à la question de Ses disciples – pourquoi leur parles-Tu en paraboles, le Seigneur répondit : « A vous, il a été donné de connaître les mystères du Royaume des Cieux, mais à eux, cela n’a pas été donné ». La connaissance des vérités divines, bien que de façon encore incomplète avant la descente de l’Esprit Saint, avait été donnée aux disciples du Seigneur, en tant que futurs propagateurs de l’Évangile, alors que tous les autres n’étaient pas capables d’appréhender ces vérités du fait de leurs mœurs grossières et des idées fausses sur le Messie et Son Royaume qui étaient véhiculées par les scribes et les pharisiens, ce dont parlait déjà le prophète Isaïe. Si l’on montrait à de telles personnes moralement corrompues la Vérité telle qu’elle est, sans la couvrir du moindre voile, la voyant ils ne la verraient pas, l’entendant ils ne la comprendraient pas. Ce n’est qu’en la présentant sous un voile imagé et utilisant des représentations familières, que la Vérité pouvait devenir accessible à leur entendement.

« On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a », aimait à dire le Seigneur à plusieurs endroits de l’Évangile. Cela signifie qu’un riche, s’il travaille avec zèle, s’enrichira toujours plus, et le pauvre, s’il est paresseux, perdra le peu qu’il possède. Dans un sens spirituel cela veut dire : vous, qui êtes apôtres, avec les connaissances des mystères du Royaume des Cieux qui vous ont déjà été données, vous pouvez approfondir encore ces mystères, les comprendre de manière encore plus parfaite ; en revanche, le peuple perdrait le peu qu'il lui reste de connaissance de ces mystères si, en les lui expliquant on ne les lui présentait pas d'une manière qui lui soit plus compréhensible.

Ceux dont le cœur est corrompu par le péché ne sont pas capables de comprendre la Parole de Dieu : ils l’entende, mais elle ne pénètre pas en eux, tout comme cette graine sur le chemin ouvert aux quatre vents dont le Malin s’empare aisément, la rendant inopérante.

Le sol pierreux, ce sont ces gens qui se passionnent pour la prédication de l’Évangile, trouvent même du plaisir et de l’intérêt à l’écouter, mais dont le cœur est froid, immobile et dur comme de la pierre : ils ne sont pas à même de modifier leur mode de vie habituel, de se défaire de leurs péchés coutumiers qu’ils aiment tant, de lutter contre les tentations, d’endurer toutes sortes d’afflictions et de privations pour la vérité de l’Évangile. S’ils tentent de lutter contre les tentations, ils se laissent finalement séduire par elles, perdent courage et tournent le dos à la foi et à l’Évangile.

Le sol couvert d’épines, ce sont les gens dont les cœurs sont empêtrés dans les passions – la dépendance à l’argent, aux plaisirs et d’une façon générale aux biens de ce monde.

Et enfin, la bonne terre ce sont les gens aux cœurs bons et purs qui, ayant entendu la Parole Divine, ont pris la résolution ferme d’en faire le guide de toute leur vie et de produire les fruits de la vertu. « Les sortes de vertus sont variées, comme le sont ceux qui prospèrent dans la sagesse spirituelle ». /Bienheureux Théophilacte/

+ Archevêque AVERKY

Exaltation de la Croix du Seigneur

 

Lorsque devant nous est exposée la Croix et que, nous nous prosternons jusqu'à terre pour la vénérer et sommes prêts à l'embrasser de nos lèvres et de tout notre cœur afin d'exprimer tout notre amour pour le Christ-Mort en Croix, profitons-en pour réfléchir à la signification profonde de la Croix du Christ.

Croix, gardienne de tout l'univers, croix, de l’Église le charme et la beauté, sceptre vraiment royal qui soutient la vigueur de notre foi, croix, suprême effroi des légions de l'enfer, croix, gloire des anges dans le ciel ! Espérance des chrétiens, guide des errants et havre des naufragés, victoire dans les combats et rempart de l'univers, guérison des malades, résurrection des morts, croix du Christ aie pitié de nous !

Les hymnographes qui ont composé ces stichères ont voulu, par ces définitions attribuées à la Croix, non seulement exprimer sa puissance et son sens profond, mais nous disposer à croire en Elle.

Il est tout naturel pour nous de faire le signe de la Croix, de la porter sur notre poitrine, et de la voir en tous lieux : dans les églises, dans les cimetières, au sommet des collines. La Croix ainsi que le récit du Christ-Crucifié ont si profondément pénétré la vie des hommes qu'aucune force au monde ne pourrait l'effacer. Mais lorsque viendra le temps où on ne la verra plus, lorsque viendront des temps si effrayants que l'on aura honte de la Croix et que l'on craindra montrer notre foi en Elle, ce sera alors le signe certain de la venue prochaine du Second avènement du Christ pour juger ce monde adultère et pécheur. La Croix ne se réfugiera plus dans des endroits cachés, mais resplendira alors dans le ciel, de sorte que tout le monde la verra, tout le monde verra ce Signe du Fils de l'homme si cher à tous les chrétiens, la Croix du Christ, devant laquelle toutes les tribus de la terre se lamenteront.

Ce n'est pas seulement aux tous premiers temps de l’Église que la Croix pouvait apparaître scandale pour les uns et folie pour d'autres, lorsque ceux qui entendaient pour la première fois des prédications sur le Seigneur crucifié étaient troublés et ne pouvaient ni comprendre ni croire que le salut pouvait être obtenu d'une façon aussi étrange et effroyable, mais il en est de même pour ceux qui dès leur enfance sont chrétiens et, devenus adultes, sont troublés en entendant l’Église enseigner que le salut des hommes s'acquiert par les souffrances du Fils de Dieu sur la Croix. Et plus encore, ils sont troublés par ces Paroles du Sauveur : « Si quelqu'un veut venir derrière moi, qu'il renonce à lui-même et se charge de sa croix ». Si la foi nous permet de comprendre et de croire aux souffrances du Christ, il est en revanche beaucoup plus difficile d'accepter l'enseignement de l’Église, selon lequel, pour obtenir le salut nous devons nous crucifier avec le Christ, crucifier notre chair, nos passions, nos désirs, nous devons humblement porter notre Croix sans murmure. Cet enseignement a de la peine à trouver un écho en nous. Les croyants contemporains, très souvent, ne comprennent pas le sens des souffrances, des douleurs, des maladies par lesquelles nous devons passer pour pouvoir entrer dans le Royaume de Dieu.

Au lieu de porter patiemment sa Croix en se confiant au Sauveur afin de se préparer pour le Royaume des Cieux, nos contemporains mettent tous leurs efforts et leurs moyens à s'installer confortablement sur cette terre. Cet attrait pour le bien-être terrestre, une vie insouciante, engendre chez les individus une indifférence à l'égard de Dieu, une perte de la foi et, dans les masses populaires, fait naître un attrait incontrôlable pour les bouleversements politiques et sociaux qui seraient sensés apporter un bonheur universel.

Jadis, le diable séduisait les premiers hommes : « Si vous goûtez de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, vous serez comme des dieux ». Autrement dit – détournez-vous de Dieu, ne Lui obéissez pas et tout ira bien pour vous, bien mieux que maintenant. N'assistons-nous pas à la même chose aujourd'hui ? Vous recherchez le bonheur, semble demander à chacun ce même tentateur diabolique – renoncez donc à l’Évangile qui exige de vous d'observer des jeûnes, l'abstinence, la pénitence, de pleurer sur vos péchés ; renoncez au Christ-Crucifié qui vous promet le Royaume des Cieux et vous aurez une vie parfaite sur terre, vous serez heureux. Et comme ce désir de bonheur, de bien-être est inné à l'homme, il lui est difficile de résister à cet appel séduisant, difficile de lutter contre son propre désir de vivre ici-bas pour tout son plaisir. C'est pourquoi il y a de moins en moins de disciples fidèles de notre Seigneur-Dieu.

Mais pour notre bonheur, nous ne voyons pas que ceux qui ont rejeté le Seigneur, soient réellement heureux, que leur vie ne connaisse ni douleur, ni tristesse. C'est pour nous un enseignement et un avertissement salutaire.

Celui qui est avec le Seigneur garde constamment l'image du Christ-Crucifié devant les yeux. Celui qui est avec le Seigneur se souvient toujours de la Résurrection du Christ. Celui qui est avec le Seigneur attend la vie du siècle à venir, tient fermement à cet espoir et puise en lui les forces pour porter sa Croix jusqu'au bout.

Ainsi, lorsque vous faites sur vous le signe de la Croix, transportez-vous par la pensée au Christ-Crucifié, scrutez-le avec les yeux de la foi, fortifiez-vous dans la foi et l'amour envers Lui, et alors aucune tentation ne pourra vous détourner du Seigneur. Amen

 Archiprêtre Victor Illienko

A quoi ressemble le Royaume des Cieux

 

La lecture de l’Évangile de ce dimanche nous brosse un tableau effrayant. Le récit débute par ces mots : « Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un Roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait une somme énorme, dix mille talents. Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette. Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : “Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout ». Le Roi éprouva de la compassion pour ce serviteur, il effaça sa dette et le laissa partir. Notez bien : il ne lui a pas fait une remise ou échelonné sa dette, mais il a tout effacé, en totalité et pour toujours. Comme si cette dette n'avait jamais existé. Et la vie repris, tout aussi tranquille qu'auparavant et même meilleure, car le serviteur avait appris à mieux connaître son Roi, en qui il voyait dorénavant un Père aimant, et travailler pour un tel Père devenait un réel bonheur.

Mais soudain, une chose terrible arriva. Ce serviteur rencontra un de ses amis qui lui devait une somme tout à fait minime et l'attrapant au collet, l'étranglant, il lui dit : rends-moi tout ce que tu me dois. Apprenant cela, son Roi fut pris de colère et le livra aux bourreaux jusqu'à ce que ce serviteur lui rende tout ce qu'il lui devait.

Et il en est ainsi avec nous. Nous avons tout reçu de notre Seigneur et nous sommes des débiteurs incapables de rembourser tous les bienfaits qu'Il nous a octroyés. Nous L'avons supplié de nous pardonner, et avons obtenu Son pardon. Le Seigneur nous a accueillis dans Sa famille – l’Église du Christ, qui nous permet de traverser cet océan déchaîné de notre vie comme si nous étions dans une embarcation en toute sécurité. Cette embarcation présente tout ce qui est nécessaire pour protéger ceux qui naviguent, les protéger de tous les écueils et d'une mer démontée. Elle possède une base solide, un fond, des parois, des voiles, des rames, un gouvernail. Et il en est de même avec l’Église qui possède un gouvernail piloté par son divin timonier, notre Seigneur Jésus-Christ, elle a des voiles et des rames – ce sont les sacrements divins, la base solide ce sont les commandements du Christ, et parmi ces commandements le plus important est l'amour. Et si nous préservons et observons ce commandement essentiel, nous séjournerons alors dans Sa Famille, c'est-à-dire dans l’Église, et nous serons dans la joie. Que de fois le Seigneur est revenu sur ce point dans Son discours d'adieu avec Ses disciples / « Et voici Mon commandement : Aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés »/Jn XV,12/. « Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres » /Jn XV,17/. En effet, il est impossible d'être dans l’Église et de ne pas être dans Son Amour. On ne peut être dans l’Église du Christ que si l'on observe Son commandement principal, commandement qui a jeté les bases de toute Son Église, et ce commandement est l'Amour.

Et ce malheureux serviteur de l'extrait de l’Évangile que nous avons lu, a tout perdu : et le pardon du Seigneur, et l'effacement de toute sa dette envers Lui, et la liberté pour soi, tout comme pour sa femme et ses enfants – en un mot : tout ce qu'il avait reçu il l'a perdu en un instant. A l'instant même où il n'a pas pardonné à son débiteur. De la même façon, nous pouvons tout perdre : et le pardon reçu dans le sacrement de pénitence, et la grâce reçue dans le sacrement de Communion. Nous pouvons les perdre en un instant, au moment même où nous ne pardonnons pas à notre débiteur.

Que le Seigneur fasse qu'un tel moment ne se produise jamais. Et pour cela agissons de sorte que, pour notre propre salut, notre bien-être et celui de nos proches, nous pardonnions de tout cœur ceux qui nous ont fait du tort. Et réjouissons-nous de posséder de tels débiteurs, car ce n'est qu'en leur pardonnant leurs torts envers nous, que nous pouvons montrer au Seigneur combien Son propre pardon nous est cher. Et réjouissons-nous également du fait que le Seigneur nous accorde le pardon pour nos énormes fautes, tandis que ce que nous avons à pardonner est si infime, si insignifiant. Réjouissons-nous à chaque fois que dans la prière du Seigneur, nous disons / « Et pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Amen.

Archevêque ANDRÉ /Rymarenko/