SERMON du 7e DIMANCHE après PÂQUE

Saints Pères du 1-er Concile



Vêpres : Gen. XIV, 14-20 – Deut. I, 8-10, 15-17 – Deut. X, 14- 21

Matines : Jean, XXI, 1-14

Liturgie : Actes XX, 16-18, 26-36 ; Jean XVII, 1-13

 

AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT-ESPRIT !

Bien-aimés Frères et Sœurs,

 

I Nous sommes encore dans le temps « d’après Pâques », mais il y a eu la coupure de l’Ascension : le Seigneur s’est élevé dans le Ciel, Il n’est plus présent parmi nous et nous sommes, avec les apôtres, dans l’attente. « Ne vous éloignez pas de Jérusalem, jusqu’à ce que vienne sur vous le Don de Dieu »

C’est un temps intermédiaire : nous ne disons plus « Christos voskrece », et nous ne disons pas encore : « Roi du ciel … ». Nous sommes sur le point de passer de l’illumination paroxystique de la Pâque à la longue succession – jusqu’à la fin du monde – des dimanches après la Pentecôte. En cette dizaine de jours, prend place le 7e dimanche, solennel comme un aboutissement et un prélude. Aboutissement qui comporte des inflexions de testament au sens courant du terme …

Fin d’une phase, passage à une autre, c’est ce que préannonce la lecture de la Genèse. Celle-ci comporte l’événementiel, à savoir la victoire d’Abram, la libération de Lot son parent qui récupère ses biens. Mais ce qui est au-delà de la chronique, c’est l’irruption de Melchisédech, mystérieux – comme soulignent les Pères – Roi de Salem, qui fait apporter du pain et du vin – préannonce de l’Eucharistie. Melchisédech, en effet, est prêtre du Très-Haut. Il bénit Abram (ce qui est le fait du Supérieur) lequel, effectivement lui donne la dîme. Or le Christ est prêtre pour l’éternité selon l’Ordre de Melchisédech. C’est l’annonce du nouveau Sacerdoce qui succèdera à la loi et à l’ancien sacerdoce.

Les deux textes du Deutéronome, constituent le testament de Moïse. Moïse montre aux Hébreux la Terre Promise, sur laquelle lui-même ne pénètrera pas. Il organise sa succession, en instituant pour ce peuple devenu trop nombreux des unités subdivisées et en mettant en place les Juges qui le remplaceront et auxquels il confie l’administration d’une justice impartiale « ne faisant pas acception de personnes », formule que nous retrouverons dans un autre texte de ce jour.

En écho, c’est aussi son propre testament que fait l’apôtre Paul dans la péricope des Actes lue aujourd’hui : vous ne me verrez plus, écrit-il, prenez garde à vous et à tout le troupeau, il y aura de mauvaises doctrines, … Et il prie à genoux avec ceux qu’il quitte.

IITout cela avait une saveur d’achèvement. L’ouverture vers la suite est donnée par l’évangile 10 de Matines, celui de pêche miraculeuse. Christ apparaît sur le rivage aux apôtres qui ont travaillé toute la nuit et qui n’ont rien pris. « Jetez le filet sur la droite de la barque ! ». Ils le font, et le filet est si rempli de poisson qu’une seule barque ne suffisait pas à les ramener. Ils débarquent tout tremblants – car ils avaient reconnu le Seigneur. Christ Lui-même leur donne du pain et du poisson grillé – ce qui rappelle la multiplication des pains et des deux poissons qu’avait un gamin ... – et ce qui correspond aussi au repas de type eucharistique de Melchisédech, la pêche miraculeuse évoquant, quant à elle, la merveilleuse efficacité de l’Apostolat de la parole évangélique.

IIIMais le testament suprême est évidemment celui du Christ qui est celui de la grande prière sacerdotale de l’évangile de ce jour.

Mon Père, dit le Seigneur, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie ! Tu m’as donné, poursuit-Il, toute puissance sur toute chair, afin que Ton Fils donne la vie éternelle à ceux que tu lui as donnés. La Mission du Fils est salvifique. La vie éternelle, explicite-Il, c’est qu’ils Te connaissent ainsi que Ton Fils Jésus-Christ que Tu as envoyé. Jamais encore le Christ n’avait révélé aussi clairement la nature contemplative de la vie en Dieu. Les peuples païens d’hier ou d’aujourd’hui fantasment un au-delà qui serait reproduction et perpétuation de la vie terrestre. L’évangile révèle que cette vie est spirituelle, elle est épanouissement de la vie mystique. Comme Il le dit ailleurs, en parlant des Elus : ils seront semblables à des anges !

Je T’ai glorifié, poursuit-Il, j’ai achevé l’ouvrage que Tu m’avais donné. Créateur, Il a porté à sa perfection l’œuvre naguère corrompue par le péché. Il révèle alors pleinement sa propre nature divine : Glorifie-moi de cette Gloire que j’ai eue auprès de Toi avant que le monde ne fût créé !

Mais la restauration du créé implique aussi l’élimination de toute corruption. J’ai manifesté Ton nom aux hommes que tu m’as donnés. Ceux-là, ont reçu les paroles que Tu m’as données. Suivent ces mots redoutables : Je prie POUR EUX, je ne prie pas pour le monde. Je prie pour eux parce que Tu me les as donnés et ce qui est à Toi est à Moi et ce qui est à Moi est à Toi.

Sur le point de quitter le monde, Il pense à ces évangélisés qui, eux, restent encore dans le monde. Christ-Dieu, Il a cette suprême pensée : garde ceux que Tu m’as donnés, afin qu’ils soient UN  comme NOUS !

Unité véritablement divine des Elus qui, par le Fils, ont connu Dieu.

Que notre Dieu et Sauveur nous donne d’aller fermement vers Lui … et de ne pas partager le sort du Fils de perdition – Judas, explicitement mentionné …

AMIN

 

 

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SERMON de l’ASCENSION

Vêpres : Isaïe II, 2-3 ; LXII, 10-12 - LXIII, 1-3, 7-9 ; Zach. XIV, 4, 8-11

Matines : Marc XVI, 9-20

Liturgie : Actes I, 1-12 ; Luc XXIV, 36-43

 

AU NOM DU PÈRE DU FILS ET DU SAINT-ESPRIT !

Bien aimés Frères et Sœurs,

ILe fait de l’Ascension de Jésus clôt l’histoire de Sa présence visible parmi Ses apôtres. Il leur était apparu plusieurs fois depuis Sa Résurrection, tantôt à quelques-uns, tantôt à plusieurs. Il se trouvait encore avec plusieurs d’entre eux non loin de Jérusalem – c’était le quarantième jour après Pâques – quand, tout à coup, Il s’éleva visiblement et, sous leurs yeux monta au Ciel. Ils regardaient, fascinés … alors deux hommes, vêtus de blanc – des anges, nous le savons désormais –, se trouvèrent devant eux et leur dirent que ce même Jésus reviendrait de la même manière à la fin des temps.

Voilà le fait brut qui advint au Mont des Oliviers, dont les apôtres revinrent à Jérusalem même qui s’en trouve seulement à « une distance de sabbat ». Quant à eux leur mission était définie et ils s’y adonnèrent. Ils devaient simplement attendre à Jérusalem la descente du Saint- Esprit.

Ne nous attardons pas aux bafouillis scientifiques – il n’y a pas de « ciel physique » – ou des catholiques : « Il parut s’élever » … Survolons avec amitié les exhortations morales de beaucoup de prédicateurs : « Elevons nos pensées vers le ciel et les bonnes méditations », conseils toujours sages dont nous faisons notre profit.

IIPoursuivons dans la ligne de méditations déjà commencées et qui nous acheminent vers la Grande Fête suivante, la Pentecôte.

Le Prophète Zacharie, dans le passage lu hier, dit : « Ses pieds se poseront sur la montagne des Oliviersil savait donc bien où adviendrait l’Ascension – et la montagne se fendra en deux », une large vallée s’ouvrira et, en ce jour-là des eaux vives sortiront de Jérusalem. Une moitié – précise-t-il – vers la mer d’Orient, et l’autre moitié vers la mer d’Occident. C’est le déferlement des paroles de vie portées par les apôtres et aboutissant  au baptême de toutes les nations, celles de l’Orient et celles de l’Occident.

Nous retrouvons les eaux vives que le Seigneur annonçait à la Samaritaine.

Le Prophète Isaïe évoque, dans les derniers temps, la convergence de tous les peuples vers la Montagne et la Maison du Seigneur, ce qui est conforme à l’apocatastase du prophétisme juif. La fille de Sion ne sera plus appelée la délaissée, mais au contraire la recherchée.

Mais singulière est, au début du chapitre 63, l’interrogation sur les vêtements rouges. En un premier temps, le prophète dit : « Qui est celui qui vient en vêtements rouges avec des habits éclatants portant la tête haute dans la plénitude de sa force » ? L’Eternel répond : « C’est Moi qui parle avec justice, tout-puissant pour sauver ». Les vêtements rouges sont, ici, la Passion rédemptrice.

Mais le Prophète poursuit : « Pourquoi tes habits sont-ils rouges, comme ceux de celui qui sort du pressoir » ? Or l’Eternel répond : « J’ai été seul à fouler au pressoir, et, parmi les peuples, personne n’était avec moi ». C’est la solitude du Seigneur dans les derniers temps et l’aboutissement de Sa Passion. Mais il ajoute parlant de ceux qui l’ont abandonné : « Je les ai foulés dans ma colère, je les ai écrasés dans mon courroux : leur sang a rejailli sur mes habits … Car le jour de la vengeance est dans mon cœur ».

La dualité du signifié des habits rouges apparaît ici : le Rédempteur est aussi le Juge du Jour Terrible du Jugement. Ne l’oublions pas, bien-aimés Frères et Sœurs !

Certes, le prophète poursuit en rappelant les bontés de l’Eternel pour l’Israël de Dieu : « Ils seront mon peuple, des enfants qui ne tromperont pas. L’Eternel a été leur Sauveur ».

Il faut toujours espérer dans la Miséricorde du Seigneur.

Les anges cependant qui apparurent aux apôtres stupéfaits qui regardaient le ciel où un nuage avait dérobé Jésus à leur vue, précisèrent : « Ce Jésus qui a été enlevé d’avec vous dans le ciel en reviendra de la même manière que vous l’avez vu y monter ».

L’ascension est glorification de Jésus-Christ Sauveur, mais elle prélude à son retour, c'est-à-dire au Jugement dernier où, si triste que cela soit pour eux, ceux qui ont déserté le Christ, seront châtiés.

Je terminerai, cependant par un autre feu … plus imminent pour nous, puisqu’il s’agit de celui de la Pentecôte. Dans la péricope des Actes lue aujourd’hui, le Seigneur, en priant les apôtres de rester encore quelques jours à Jérusalem, ajoute : « Jean a baptisé d’eau, mais vous vous serez baptisés du Saint-Esprit dans quelques jours ».

L’eau inépuisable dont le Christ est la source qui ne tarit jamais, c’est celle du baptême et de la Parole divine transmise par les apôtres. L’eau est l’un des deux déferlements qui viennent de la blessure faite, lors de la crucifixion, à Son flanc divin. L’autre, c’est ce Sang de Sa Passion rédemptrice dont Il a fait l’Eucharistie.

Quant au Feu du Saint-Esprit épandu sur les apôtres, puisse-t-il éternellement brûler dans notre cœur en un brasier d’amour !

AMIN

 



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SERMON de la 6-e SEMAINE APRÈS PAQUE

Dimanche de l'aveugle

Actes XVI, 16-34 ; Jean IX, 1-38

 

CHRISTOS  VOSKRESE !

Bien-aimés Frères et Sœurs,

 

Ce Dimanche de l’aveugle-né est unifié par la notion de Lumière.

INous avons d’abord le récit des Actes évoquant cette servante dotée d’un esprit de prophétie ou de voyance dont ses maîtres tiraient grand profit car on la consultait. En l’occurrence d’ailleurs cette voyante rendait hommage à la qualité de « serviteurs du Dieu très haut » de Paul et de Silas. Elle les suivait ainsi, mais Paul, discernant celui qui était en elle, chasse cet esprit, ce démon en somme … si bien que la servante ne peut plus dire la bonne aventure, ce qui tarit les ressources qu’elle apportait à ses maîtres. Il en résulta une plainte de ceux-ci et une suite judiciaire que nous laisserons de côté.

Ce que nous retiendrons par l’exemple de cette voyante, c’est qu’il y a une fausse lumière (même quand celle-ci, en apparence, transmet des informations exactes) – donc un faux esprit de prophétie. Un prêtre que j’ai connu, catholique mais ayant de bonnes réactions chrétiennes, avait dans sa ville une cartomancienne et voyante de renom : elle avait beaucoup de « clients » et plusieurs fidèles de ce prêtre lui en avaient parlé, y étaient allés et avait été très impressionnés : « Elle nous a dit bien des choses exactes et nous a annoncé … ». Ce prêtre décida d’y aller lui-même comme un client anonyme, mais, comme il avait de bons réflexes chrétiens, il mit dans sa poche son chapelet – tchiotki. La voyante commença à parler et à annoncer …, et le prêtre, subrepticement, mit la main dans la poche du chapelet. La voyante continue de parler quelques instants, puis s’interrompt : « C’est étrange : je ressens une nette réticence de celui qui ordonne … « Celui qui ordonne » était un démon, tout comme dans le cas de cette servante exorcisée par l’Apôtre Paul. C’est ce que l’on constate aussi de nos jours dans « l’esprit de prophétie » qui anime certains sectaires, qui se mettent aussi à parler dans des langues inconnues …

Mais tout ce qui luit n’est pas la vraie lumière : c’est de celle-ci qu’il  est dit – dans l’évangile de Matthieu (11, 5, 14-19) parlant des apôtres : Vous êtes la lumière du monde. C’est le Christ qui est la lumière authentique, Il le dit dans cette péricope même, et c’est cette vraie lumière qu’Il donne à l’aveugle né qui se convertit. Celui-ci, en effet, retrouve la vue et comme il est dit à la fin de l’évangile de ce jour, il se prosterne devant le Christ.

IILa péricope de l’aveugle né est longue et complexe.

Les apôtres, conformément aux habitudes des Juifs ainsi que je l’avais dit dans le Sermon sur le paralytique, demandent si c’est lui ou ses parents qui avaient péché. Le Christ répond que ce n’est ni lui ni eux, mais qu’il est ainsi infirme, « afin que les œuvres de Dieu soient manifestées » – et nous comprenons par là que dans la vie humaine rien n’est hasard, mais que tout est providentiellement marqué ce qui nous invite à méditation.

Singulier est le lent processus de déroulement du miracle de l’aveugle né. Il est arrivé d’autres fois qu’un mot suffise au Christ pour guérir des infirmes, des aveugles en particulier. Ici, il crache dans la terre, fait une pâtée de boue, en oint les yeux de l’aveugle qu’Il envoie se laver à la piscine de Siloé. L’homme y va, se lave là et est guéri.

En lui recréant des yeux avec ce mélange de terre et de salive, le Christ agit en tant que Créateur : la terre a produit par Son ordre – récit de la Genèse – les êtres vivants. De la même manière, il crée Eve en prélevant une côte d’Adam. Nous savons aussi que, de chaque homme, il est dit : Tu es terre et tu retourneras à la terre.

Mais le Christ lui ayant ainsi mystérieusement recréé les globes oculaires, envoie l’aveugle se laver à la piscine de Siloé. L’aveugle, potentiellement, peut voir – quoiqu’il ne le sache pas encore, – mais le Christ l’envoie se laver à la piscine de Siloé, dont il revient en voyant parfaitement.

Parce que cette piscine que l’ange agitait parfois c’est un aspect de la Foi Transmise des Juifs. Foi transmise, nous orthodoxes sommes sensibles à cette notion. Or le Christ a dit – cela est rappelé dans l’évangile de Matthieu – qu’il n’est pas venu détruire la Loi, mais l’accomplir. Il précise encore qu’il n’y a pas de « petit commandement » et que quiconque négligera un de ces « petits commandement », un iota de la Loi, sera dit « très petit » dans le royaume des cieux.

IIIMais alors Lui-même, le Christ notre Dieu, qu’est-Il en train de faire ? Avec cette pâtée de boue qu’Il fabrique et dont Il oint les paupières de l’aveugle, n’est-Il pas en train de manquer au repos du Sabbat  qui n’est pas un petit commandement ?

A la Samaritaine, le Christ a dit : « Ce n’est ni à Jérusalem ni ailleurs que vous devrez adorer car vous adorerez Dieu en esprit et en vérité ».

La Foi a succédé à la Loi dont elle est l’accomplissement et qu’elle transfigure. Nous aussi nous respectons le nouveau Sabbat – qui commence même par les vêpres du samedi soir, mais qui se développe en ce « premier jour de la semaine », le Dimanche. Nous sanctifions ce jour, mais nous prions aussi pour « ceux qui pour de bonnes raisons sont absents ». De la même manière, le jeûne eucharistique est rigoureusement prescrit, mais quand le prêtre secourt un malade à l’hôpital, il lui donne la Communion, alors que ce malade n’a pas jeûné. « Vous adorerez en esprit et en vérité ».

Face à ce miracle de la guérison de l’aveugle né, ce respect des traditions juives (la fontaine de Siloé), il y a aussi le formalisme buté des pharisiens. Ils ont eu sous les yeux la Lumière du monde, ils ont vu en l’aveugle l’œuvre de Dieu, mais ils objectent le respect du sabbat. Faire un miracle le jour du sabbat  leur semble contraire au repos sabbatique. Mais Celui qui a recréé l’œil de l’aveugle est aussi Celui qui a institué le sabbat ! … Il l’a dit : le sabbat est fait pour l’homme, et non pas l’homme pour le sabbat !

Il n’importe, pour ces pharisiens, celui qui a ainsi guéri en ce jour ne peut être qu’un pécheur.

D’où les interrogatoires à perte de vue de l’aveugle guéri, de ses parents, l’atmosphère de pointillisme juridique et inquisitorial qui pèse sur ces derniers en particulier. L’aveugle guéri y échappe et retourne à ses interrogateurs cette question humoristique : « Voulez-vous, vous aussi, vous convertir à cet homme ? »

Il se fait rabrouer, mais lui, par contre il a parfaitement compris. Celui qui lui a rendu la vue, ce que personne n’a jamais fait, ne peut que venir de Dieu.

Or quand il a le bonheur de rencontrer Jésus, celui-ci lui demande : « Crois-tu au Fils de Dieu ? » - « Qui est-ce ? » - « Celui-là même qui te parle ? », alors il Lui dit : « Je crois, Seigneur » et il se prosterne devant Lui.

Il est guéri et il est sauvé !

L’aveugle-né guéri est l’antagoniste du paralytique monstrueusement ingrat, d’Isaac Lakedem, le juif errant, que nous avons évoqué il y a deux semaines.

Que l’aveugle-né guéri et sa bouleversante et salvifique gratitude soient toujours dans nos cœurs !

AMIN

 

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SERMON du 5e DIMANCHE après PÂQUE

Samaritaine et Saint Nicolas

Matines : Jean XX, 1-10

Liturgie : Actes XI, 19-26, 29-30 ; Jean : IV, 5-42


CHRIST EST RESSUSCITÉ !

Bien-aimés Frères et Sœurs,

I - Dans les dimanches précédents, immédiatement consécutifs à la Pâque, nous avons vu la stupeur et l’incrédulité – pensons à Thomas  –, le traumatisme devant l’impossible comme nous avions dit. Cependant, paradoxalement, l’Eglise se développait. Dès le 3-e dimanche, nous avons vu l’institution des diacres. Le christianisme était l’option impensable … Cependant, par la main du Seigneur, comme il est dit dans la lecture d’aujourd’hui des Actes, il s’enracinait et s’étendait. La lapidation du diacre Stéphane a marqué une première vague, presque spontanée, de persécutions : les apôtres se sont enfuis, en Phénicie, à Chypre, à Antioche. Ils ne s’adressaient qu’aux Juifs. Cependant la nouvelle foi se diffusait même et notamment parmi les Grecs. Si bien que, de Jérusalem, on envoie Barnabé à Antioche et lui-même, peu après, va chercher Saül, c’est-à-dire Paul, à Tarsis. Cet apostolat dura près d’un an : c’est à Antioche, fait mémorable, que pour la première fois ceux qui avaient embrassé la foi nouvelle furent appelés chrétiens …

II Ce cinquième Dimanche est celui de la Samaritaine. La péricope évangélique que vous venez d’entendre est longue, part d’un simple fait divers, et comporte de singulières révélations. Le fait divers, c’est que, apparemment fatigué par la marche, le Seigneur s’assoit sur la margelle d’un puits, le puits de Jacob, pendant que ses disciples vont chercher de la nourriture au bourg voisin.

Mais, comme observent les prédicateurs orthodoxes, le Seigneur est Dieu et Il savait qui Il attendait.

C’était l’été, certes et il faisait très chaud : c’était la sixième heure et c’est précisément à la sixième heure que le serpent s’adressa à notre première mère Ève et la fit chuter par la gourmandise ! En quelque manière, la Samaritaine – qui s’appelait Photinie ou Svetlana – et qui par la suite mourut martyre, est une anti-Eve.

Ce n’était pourtant pas à l’origine, comme remarquent des prédicateurs, une personne exemplaire : elle avait eu cinq « maris » - et du sixième, avec lequel elle vivait, nous savons que ce n’était pas son mari. Certes, elle venait chercher l’eau au puits comme toutes les femmes du village, mais cela lui semblait une corvée, comme l’atteste la joie avec laquelle elle accueille l’idée d’une eau vive après laquelle on n’aurait plus jamais soif.

Le Seigneur n’est pas venu sauver les justes, mais les pécheurs.

En outre cette femme, un peu « ordinaire » dans sa mentalité, était Samaritaine et il y avait un fort contentieux – religieux – entre les Juifs et les Samaritains et c’est ce que remarque avec grande surprise Svetlana : « comment se fait-il, que toi, Juif, tu me demandes à boire, à moi Samaritaine ? »

Les Samaritains étaient, pour les Juifs, des sortes d’hérétiques, puisqu’ils prétendaient adorer Dieu sur leur montagne, alors que, pour les Juifs, le seul culte agréable à Dieu devait Lui être rendu à Jérusalem.

« Pécheresse, en quelque sorte, Svetlana-Photinie, l’était deux fois, par sa propre vie et par son appartenance.

III - C’est pourtant à elle que Dieu – qui comme je l’ai rappelé l’attendait - fait trois révélations fondamentales. Certes, le Salut vient des Juifs – confirmation d’importance ! – MAIS le temps vient – et il est arrivé ! – où les vrais adorateurs adoreront Dieu EN ESPRIT ET EN VÉRITÉ. C’est la révélation des deux temps de l’Alliance, l’ancienne loi et la nouvelle foi.

Dieu en effet est Esprit et celui qui adore en esprit et en vérité est l’adorateur que Dieu veut.

Photinie a de quoi être fortement « secouée » pour le dire familièrement : elle retombe cependant sur ce que nous pourrions appeler « les fondamentaux » de la croyance qu’elle avait reçue : « Nous savons, dit-elle, que le Messie viendra que l’on appelle le Christ, et, quand Il viendra, Il nous enseignera tout ».

Le Seigneur lui répond par la troisième révélation : « Le Messie, c’est Moi que te parle ! »

Svetlana-Photinie laisse ses seaux et court au village. Elle raconte … « Cet homme qui m’a dit tout ce que j’avais fait dans ma vie, venez et voyez : ne serait-ce pas le Christ ? ». Ils vinrent en effet, ils entendirent et ils prièrent le Christ de rester. Il resta deux jours beaucoup crurent en Lui, et ensuite ils pouvaient dire à la femme : « Maintenant, nous ne croyons pas parce que tu nous as dit : nous avons entendu et nous savons qu’Il est en vérité le Sauveur du monde, le Christ ! »

Entretemps, les apôtres étaient revenus, rapportant de la nourriture. Ils Le prièrent de manger. Il leur dit : « Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui M’a envoyé et d’accomplir Son œuvre … ». Il a effectivement accompli ce que l’ancienne Alliance avait initié. Il poursuit en évoquant la moisson imminente – nous sommes en effet en plein été – : elle réjouira le semeur et le moissonneur. Celui qui sème n’est pas toujours celui qui moissonne … Je vous ai envoyé moissonner où vous n’aviez pas travaillé et vous ramasserez le fruit du labeur des autres »

Cela nous ramène au thème de l’expansion apostolique si profondément lié à ces dimanches d’après Pâque comme nous l’avons dit au début.

Puissions-nous nous insérer nous aussi, modestement, à cette œuvre apostolique à laquelle le Christ Lui-même nous a appelés ainsi que tous Ses disciples !

IVMais j’ajouterai encore quelques mots concernant l’eau vive, car il s’agit de la Samaritaine et de l’eau que Jésus donnera et dont Il dit que celui qui la boira n’aura plus jamais soif. Et Il ajoute : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau vive qui jaillira jusqu’à la vie éternelle. L’apôtre Jean, au chap. VII (37-39) explique cela en  racontant que le dernier jour de la fête, Jésus dit : si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Qui croit en Moi, des fleuves d’eau vive couleront de lui, comme l’Ecriture le dit. L’apôtre ajoute : Il disait cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Lui, car le Saint-Esprit n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié [élevé sur la Croix].

L’eau, c’est l’eau de l’Esprit qui est la vie. Au début de la Genèse, il est dit en effet que l’Esprit de Dieu planait sur les eaux, ce qui veut dire qu’Il les fécondait et toute la vie allait découler de ces eaux. De l’eau de l’Esprit, procède d’abord toute vie physique : c’est pour cela que l’on remplit d’herbe nos églises le jour de la Pentecôte,  car l’herbe est gonflée de vie. Mais l’eau de l’Esprit est aussi, par le sacrifice du Christ, l’eau de la vie - spirituelle et éternelle. Dans quelques jours, nous fêterons la descente du Saint-Esprit, la Pentecôte – qui est aussi la Fête de la Trinité. Dieu est UN, Père Fils et Saint-Esprit, la Trinité étant consubstantielle et indivisible : quiconque  voit le Christ [réponse à l’apôtre Philippe] voit le Père, de même le Christ est l’inépuisable source d’eau vive : le Saint-Esprit …

Qu’en ce jour de l’EAU VIVE, nous nous préparions déjà, bien-aimés Frères et Sœurs, à l’adoration de la Très Sainte Trinité à qui sont tout honneur et toute gloire dans les siècles des siècles !

 

AMIN




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SERMON du 4-e DIMANCHE après PÂQUE

Dimanche du paralytique

 

Matines : Luc XXIV, 1-12

Liturgie : Actes IX, 32-42 ; Jean V, 1-15

 

 

CHRIST EST RESSUSCITÉ !

Bien-aimés Frères et Sœurs,

 

Nous nous trouvons aujourd’hui devant deux guérisons de paralytiques – et la résurrection d’une défunte. Mais, en arrière fond, pensons à la paralysie de l’âme.

Physiquement, il s’agit de paralysés et ils sont guéris, mais n’oublions pas que l’âme aussi peut être comme incapable de tout mouvement et que c’est aussi à elle que l’enseignement de ces péricopes s’applique.

I – La gratuité du Don

Le Christ et, par Lui, Ses apôtres sont spontanément tchudatvortsi, « faiseurs de miracles », comme on dit en roumain.

Les apôtres sont méprisés parfois – comme le dit l’apôtre Paul – mais le miracle émane d’eux : c’est le cas d’Enée qui ne demande rien, et, a fortiori de Tabitha (« gazelle ») qui était morte.

II – Foi et miracle

A celui de la piscine, Christ demande : « Veux-tu être guéri ? »

Dans sa « patrie », comme observe Matthieu dans un autre passage, Christ fit peu de miracles à cause du manque de foi.

L’adhésion de la volonté humaine est nécessaire, même quand elle est implicite.

CAR LA GUERISON FONDAMENTALE est celle de l’âme : Il faut vouloir être sauvé, ce que nous faisons tous, en particulier par l’ascétisme.

III – Le refus du miracle

« Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa maison », nous rappelle effectivement le Christ. C’est un enseignement toujours valable : ne soyons pas réticents vis-à-vis du miracle : il arrive que ceux qui demandent l’intervention divine, ne la demandent qu’à moitié, en hésitant, en comptant éventuellement sur d’autres recours ... N’est-ce pas un demi-refus de confiance ?

Cependant, en dépit de notre peu de foi, Dieu vient à notre secours.

C’est précisément ce qui est arrivé dans le cas du paralytique !

Cet homme voulait guérir, puisque depuis 38 ans il se faisait porter à cette piscine où se produisaient les miracles. Ce n’était pourtant pas, et nous allons le voir par la suite, « un individu très intéressant », pourrait-on dire par euphémisme.

Or le Christ le guérit, spectaculairement comme le raconte la péricope évangélique : non seulement celui qui depuis presque quarante ans ne marchait pas, se relève, mais, comme le Christ le lui avait dit, il retrouve sans problème sa force musculaire : il prend son grabat et rentre chez lui ! – sans penser à remercier le Christ qui l’a guéri et dont il ignore même le nom !

Mais il y a une suite, frères et sœurs bien-aimés, et les prédicateurs qui nous ont précédé et dont je vous transmets l’enseignement, nous l’ont apprise. Ce paralytique guéri, qui s’appelait Isaac Lakedem, c’est le « juif errant » !

C’était en effet un individu pas du tout recommandable. Au demeurant, le Christ lui adresse une mise en garde exceptionnelle : « Va et ne pèche plus, afin qu’il ne t’arrive pire encore ! »

Les Juifs, vous le savez, lorsque quelqu’un était affligé d’une tare, d’une épreuve physique se demandaient : « est-ce lui qui a péché ou l’un de ses ancêtres ? » Cette interrogation, en telle circonstance particulière, les disciples la font au Christ. Or le Christ notre Dieu écarte cette opinion dans ce cas précis. Mais il n’élimine pas cette interprétation.

Nous ne sommes pas Juifs, mais les Juifs sont nos prédécesseurs. Quand un malheur tombe sur nous, ne disons pas simplement que c’est une malchance : interrogeons-nous ! N’est-ce pas nous qui, par nos péchés, notre égoïsme, avons attiré ce châtiment ? C’est une possibilité, et, en cette occurrence du paralytique, le Christ la souligne : « Ne pèche plus, afin qu’il ne t’arrive pire encore ! »

Nos saints prédécesseurs, les prédicateurs orthodoxes que j’ai cités et que je suis, nous ont transmis en effet la suite de cette histoire : lorsque le Christ montait au Calvaire portant sa croix, Il est passé devant la maison de ce paralytique. Il lui a demandé à boire, et l’homme a refusé en L’insultant, Christ lui a demandé de s’asseoir un instant sur le banc qui était là et l’homme a refusé de manière également offensante, et le Christ notre Dieu lui a dit : « Tu marcheras sans connaître la mort, tu marcheras jusqu’à mon Second Avènement ! ». Et, depuis, cet homme marche sans cesse sans pouvoir connaître la mort, il a même essayé de se jeter dans le Vésuve : en vain. Jusqu’au Jugement dernier, il est le Juif errant.

Toutes les Eglises chrétiennes le savent. Certains l’on rencontré, en Allemagne, en Angleterre, au XIX-e siècle …

Mais vous-même, bien-aimés Frères et Sœurs, peut-être l’avez-vous rencontré … Regardez ces passants affairés qui passent devant l’église sans jamais s’arrêter. Suivez-les par l’esprit. Ils marchent ou ils roulent en voiture comme s’ils allaient quelque part. En semaine, ils vont « au boulot », le samedi dimanche, ils vont « en boîte » ou au « resto ». Ils recommencent de même la semaine suivante …

Quelle vie vaine ! Frères et Sœurs. Ils courent toujours, et, comme le Juif errant, ils ne rencontrent rien. Or comme lui, souvent, ils ont rencontré Dieu, mais ils L’ont bafoué. Ils L’ont reconnu, mais ils ne L’ont pas suivi ! Car leur âme est comme paralysée !

Sachons Le reconnaître et Le suivre !

Le Juif errant est l’exemple même, monstrueux, de l’ingratitude.

Ne l’imitons pas, Frères et Sœurs bien-aimés ! Dans l’adversité, interrogeons-nous, faisons notre examen de conscience, ne sommes-nous pas coupable ? Et dans les bienfaits dont le Christ nous comble, sachons Le reconnaître. Le Christ nous comble de Ses bienfaits : nous sommes en santé, nous sommes les uns avec les autres, nos entreprises s’arrangent « plutôt bien que mal » comme disait mon père.

Quand nous sommes à l’Eglise, Il est là. Dans la Communion, c’est Lui-même que nous recevons !

Que la gratitude la plus fervente soit toujours dans nos cœurs !

 

AMIN

 

 

 

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